Outre les gestes barrières et la limitation du brassage des élèves, le protocole sanitaire prévu par l’Éducation nationale pour la rentrée des classes rend le masque obligatoire pour les enseignants, collégiens et lycéens mais pas pour les moins de 11 ans.
Si les médecins encouragent le retour à l’école, les enfants étant moins gravement touchés que les adultes et le plus souvent asymptomatiques, le port du masque des plus jeunes divise car la contagiosité des moins de 10 ans ne fait pas consensus.
Dans quelle mesure sont-ils contaminateurs ? La question n’est pas tranchée. « Il y aura des contaminations à l’école, des enfants vont se contaminer, probablement quelques enseignants mais on va le gérer », a indiqué sur France Info le 24 août le président du Conseil scientifique le Pr Jean-François Delfraissy.
Pour la Société française de pédiatrie (SFP) qui met en avant « les bénéfices éducatifs et sociaux apportés par l’école », le port du masque doit être recommandé à partir de l’entrée au collège, faisant valoir que « les enfants, et en particulier ceux de moins de 10 ans, ne contribuent pas significativement à la transmission du Covid-19 ».
Un collectif appelle à durcir le protocole
Ce n’est pas la position d’un collectif de médecins, dont la Pr Karine Lacombe, infectiologue, le président du syndicat de médecins libéraux UFMLS, Jérôme Marty, et les créateurs du groupe Stop-Postillons, qui préconise depuis des mois de renforcer le rôle du masque dans la lutte contre le coronavirus. Dans une tribune publiée dans le « Parisien », les signataires, pour lesquels « l’école n’est pas prête », appellent ainsi à durcir le protocole et à « recommander le port du masque en lieu clos pour tous les élèves de plus de six ans », considérant que « les moins de 11 ans sont aussi contaminants que les adolescents ou les adultes ».
Pour l’épidémiologiste, le Pr Antoine Flahaut, « réduire le risque chez les petits enfants, c’est préserver le plus possible leur scolarisation et protéger leurs parents et leurs grands-parents », a-t-il écrit pour sa part dans un tweet. Certains spécialistes, dont l’Académie américaine de pédiatrie, vont même jusqu’à réclamer le port du masque dès l’âge de trois ans, voire deux.
En cas de symptômes, une charge virale aussi élevée
Cet été, de nouvelles données ont mis en évidence que la charge virale mesurée par PCR est identique chez les enfants et les adultes symptomatiques, voire plus élevée chez les moins de cinq ans dans le « JAMA Pediatrics » (1). « Quand ils présentent des symptômes, les enfants excrètent la même quantité de virus que les adultes et sont aussi contaminants qu’eux » mais, point déterminant, « on ne sait pas à quel point les enfants asymptomatiques peuvent infecter d’autres personnes », résume le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).
De plus, en fin de semaine dernière, des médecins sud-coréens (2) ont montré qu’une stratégie de test basée sur les symptômes uniquement fait passer à côté de 93 % des enfants infectés, ces derniers étant peu, voire asymptomatiques, alors que ces derniers excrètent du virus en moyenne pendant deux semaines et demie (17,6 jours). Pour autant, comme les auteurs en conviennent, il est possible qu’il s’agisse de débris de matériel génétique viral non contaminants, cette hypothèse étant également avancée chez l’adulte en cas de PCR positive persistante.
Rareté des clusters à point de départ pédiatrique
Pour le Pr Robert Cohen de la SFP, « toutes les études publiées jusque-là sont concordantes pour dire que les enfants ne contribuent pas significativement à la transmission du SARS-CoV-2 : le taux d’attaque secondaire est très faible à partir des enfants au vu d’une rareté des clusters à point de départ pédiatrique ». La contamination se fait plutôt des adultes vers les enfants que l’inverse, et plus largement des adultes vers les adultes.
Des enfants moins infectés
Il est probable en effet qu’un enfant exposé à un cas contaminant s’infecte moins qu’un adulte. « Ces différences sont faibles et restent à confirmer », prévient toutefois l’ECDC, qui appelle à « des études ciblées pour mieux comprendre la dynamique de l’infection et de la population d’anticorps chez les enfants ».
« Le risque d’avoir une PCR positive est plus faible que chez les adultes », assure le Pr Cohen, expliquant que cela se fait « de façon variable en fonction de la transmissibilité du virus dans la population ». Le nombre de cas pédiatriques en collectivité sera d’autant plus bas avec la mise en place d’un dépistage rapide des adultes, la SFP rappelant la prédominance de la transmission intra-familiale.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui recommande le port du masque chez les enfants de 12 ans et plus, considère qu’une protection chez les moins de cinq ans est contre-productive, voire dangereuse, en raison du risque d’étouffement des plus petits. En revanche, pour les 6-11 ans, l’agence onusienne indique qu’il faut y réfléchir, notamment en cas de « transmission intense dans la zone où réside l’enfant » et de la « capacité de l’enfant à l’utiliser correctement ». Si en France, c’est l’entrée au collège à 10-11 ans qui a été retenue, en Espagne ou en Italie, le masque est recommandé dès l’âge de six ans, tandis qu’il n’est pas obligatoire en classe dans certaines régions allemandes ou en Grande-Bretagne.
(1) T Heald-Sargent et al. " JAMA Pediatr." doi:10.10001/jamapediatrics.2020.3651.
(2) MS Han et al. " JAMA Pediatr." doi:10.1001/jamapediatrics.2020.3988.