« Alors que 50 % des personnes infectées ont eu une forme asymptomatique de Covid, il est plutôt rassurant de constater que ces personnes ont développé une réponse humorale satisfaisante », indique au « Quotidien » Timothée Bruel, co-auteur principal de l’étude et chercheur à Pasteur et au VRI, précisant que ces formes restent encore peu documentées. La réponse humorale des asymptomatiques est toutefois un peu plus faible que celle des symptomatiques. « Nous nous attendions à voir une différence plus nette entre les deux groupes, c'est une bonne nouvelle », précise le chercheur.
La qualité de cette réponse humorale suggère ainsi un effet protecteur durable comme chez les symptomatiques. Néanmoins, cette étude ne permet pas d'affirmer que les personnes asymptomatiques bénéficient d'un effet protecteur face au risque de réinfection.
Une activation des cellules NK et du complément
« Les anticorps polyfonctionnels avaient déjà été identifiés dans le Covid, mais leur capacité à tuer les cellules infectées n'avait pas encore été bien étudiée », explique Timothée Bruel, qui étudie habituellement ce type d'anticorps dans l'infection VIH.
Les chercheurs ont mis au point deux tests pour mesurer les fonctions des anticorps. « Le test Antibody-Dependent Cellular Cytotoxicity (ADCC, cytotoxicité à médiation cellulaire dépendante des anticorps) nous a permis d'évaluer la capacité des anticorps polyfonctionnels à activer les cellules Natural Killer (NK) pour qu'elles reconnaissent ensuite les cellules recouvertes d'anticorps et les tuent », détaille Timothée Bruel. Un deuxième test a permis de voir que les anticorps polyfonctionnels étaient également capables d'activer le complément (ensemble de protéines plasmatiques). « Nous avons vu que cette activation n'était pas suffisante pour conduire à la mort des cellules », note le chercheur.
Une réponse particulièrement forte chez les patients hospitalisés
Les chercheurs ont aussi eu recours à un test sérologique d'une grande sensibilité (par rapport aux tests de type ELISA), permettant d'évaluer la présence d'anticorps, et à un test de neutralisation, permettant de mesurer la capacité des anticorps à empêcher l'infection d'une cellule. « Nous avons combiné l'intérêt de l'ensemble de ces tests pour montrer que les anticorps induits par le SARS-CoV-2 sont polyfonctionnels et présents chez toutes les personnes infectées », résume Timothée Bruel.
Les chercheurs se sont appuyés sur deux cohortes : la cohorte Corser de l'institut Pasteur et la cohorte French Covid-19 de l'INSERM. « La première nous a permis d'identifier des patients asymptomatiques et des personnes symptomatiques légères, tandis que la seconde nous a permis d'avoir accès à des échantillons de personnes hospitalisées », indique le chercheur. À noter que dans cette population de patients, la réponse humorale était particulièrement forte.
En comparant les patients hospitalisés décédés et ceux ayant survécu, les chercheurs ont constaté que les premiers présentaient des taux d'anticorps polyfonctionnels moins importants que les seconds. Ce qui suggère également l'effet protecteur de ces anticorps.
Une réponse cellulaire variable entre asymptomatiques et symptomatiques
Une équipe britannique s'est intéressée à la réponse cellulaire observée après une infection Covid. D'après les échantillons sanguins de 130 patients et grâce au séquençage de cellule unique, les chercheurs ont pu observer les différences de réponse selon le degré de sévérité des symptômes.
Ainsi, les personnes asymptomatiques présentaient une augmentation des taux de cellules B au niveau des muqueuses, tandis que les patients à forme sévère étaient associés à une absence de cellule B et une augmentation incontrôlée des monocytes et des lymphocytes T cytotoxiques. En d'autres termes, les personnes à forme grave ont perdu des cellules protectrices mais ont gagné des cellules inflammatoires.
« C’est l’une des seules études de ce type qui examine des échantillons prélevés sur des personnes asymptomatiques, ce qui nous aide à comprendre pourquoi certaines personnes réagissent différemment à l’infection », indique l'auteur principal de l'étude Muzlifah Haniffa (Université de Newcastle et Wellcome Sanger Institute).
Ces travaux, parus dans « Nature Medicine », s’inscrivent dans le cadre du projet Human Cell Atlas qui vise à cartographier tous les types cellulaires du corps humain.