« Notre étude a permis de montrer la capacité du virus à infecter les neurones dans différents modèles, à la fois in vitro, chez l'animal et chez des patients très graves », résume pour « Le Quotidien » Nicolas Renier, chercheur à l'Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM, Paris) et co-auteur de l'étude. Pour montrer cela, trois approches distinctes ont été mises en œuvre.
Aux États-Unis, des chercheurs de Yale ont travaillé sur un modèle d'organoïde cérébral infecté in vitro. « Les structures organoïdes permettent de répliquer une organisation tissulaire proche de celle du cerveau dans une boîte de Petri à partir de cellules d'origine humaine », explique Nicolas Renier. Ce modèle a permis de montrer que le SARS-CoV-2 est capable d'entrer dans les neurones et de détourner leur matériel pour se répliquer, entraînant ainsi un changement métabolique des cellules infectées.
À Paris, les chercheurs de l'ICM ont montré à partir d'un modèle de souris humanisées exprimant le récepteur ACE2, (récepteur d'entrée du virus dans les cellules) qu'une exposition au virus par voie intranasale - simulant une infection naturelle - pouvait entraîner une infection massive des neurones.
« Cela suggère que le virus est capable, dans un organisme complet, de franchir la barrière hémato-encéphalique », souligne Nicolas Renier, précisant que ce point est encore débattu dans la communauté scientifique, une autre entrée possible étant la voie olfactive. Les expérimentations animales ont aussi mis en lumière le fait que « la présence du virus dans le cerveau de la souris peut entraîner des modifications du réseau vasculaire cérébral, ce qui pourrait expliquer le mécanisme de lésions vasculaires observées chez certains patients Covid », estime Nicolas Renier.
La voie d'entrée du virus dans le cerveau
Les équipes de la Pitié-Salpêtrière, qui ont de leur côté autopsié trois personnes décédées à la suite d'une forme sévère de Covid, ont mis en évidence la présence du virus dans des neurones et des vaisseaux sanguins des cerveaux. « Un des trois patients, malgré une amélioration sur le plan respiratoire, ne s'est pas réveillé à cause d'une hémorragie cérébrale », précise le chercheur. S'agissant de patients ici très sévères, ces observations ne peuvent être extrapolées à d'autres présentant des formes peu graves de Covid, avec des signes neurologiques de type brouillard mental, fatigue mentale, manque de motivation…
« Dans la continuité de nos travaux, une grande étude longitudinale est en cours à la Pitié-Salpêtrière et vise à étudier ce qu'il se passe au niveau cérébral sur un nombre important de patients, à l'aide notamment de l'imagerie médicale et d'évaluations psychiatriques », rapporte Nicolas Renier.
En parallèle, il poursuit ses travaux avec son équipe, en collaboration avec l'institut Pasteur, sur le hamster notamment, un modèle considéré comme étant plus pertinent pour le Covid. « Nous souhaitons déterminer plus précisément quelle est la voie d'entrée du virus dans le cerveau », avance-t-il.