Même après l'arrêt prolongé des antibiotiques

Les bactéries E. coli résistantes circulent encore

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Publié le 07/09/2023
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Malgré une diminution significative de la prescription de ciprofloxacine entre 2015 et 2021, la circulation des bactéries Escherichia coli résistantes, loin de diminuer, a augmenté, met en lumière une étude américaine publiée dans « Communications Medicine » ce 29 août.
La seule réduction de la consommation d'antibiotiques ne suffit pas à réduire l'antibiorésistance

La seule réduction de la consommation d'antibiotiques ne suffit pas à réduire l'antibiorésistance
Crédit photo : SCIENCE SOURCE/PHANIE

Quel est l'impact de la réduction de la consommation d'antibiotiques sur les taux d'infections aux E. coli résistantes ? Telle est la question à l'origine de ce travail, alors que les modèles théoriques suggèrent que les isolats résistants, une fois apparus, peuvent continuer à circuler, même en l'absence d'antibiotiques.

Augmentation de cinq points des bactéries résistantes

Les chercheurs ont travaillé sur des échantillons, collectés en 2015 puis 2021, de selles et d'urines de femmes de plus de 50 ans qui ne sont pas sous antibiotiques (ceci au moins un an avant prélèvement), inscrites dans le système de santé de Kaiser Permanente, à Washington.

La prescription de ciprofloxacine a diminué de près de 3 fois entre 2016 et 2021 (de 9,20 % à 3,40 %), tandis que le recours aux céphalosporines de 3e génération a augmenté (de 0,40 % à 1,16 %) - sans toutefois atteindre les mêmes niveaux. Les autorités sanitaires américaines ont en effet appelé à restreindre la prescription de ciprofloxacine dans les infections urinaires - sauf en seconde ligne, pour les infections les plus sévères.

En parallèle, les taux d'échantillons positifs aux bactéries résistantes aux fluoroquinolones d'E. coli ont augmenté, passant de 14,2 % en 2015 à 19,8 % en 2021. Ces résultats suggèrent que « la circulation communautaire des E. coli résistantes colonisant l'intestin peut être entièrement maintenue, même en l'absence d'antibiotiques », lit-on.

Cette hausse est en particulier portée par une augmentation significative des isolats du groupe clonal multirésistant pandémique ST1193 (de 1,7 % à 4,2 %), d'autant plus inquiétante que ST1193 est davantage pathogène que d'autres groupes (notamment ST131-H30, prédominant), provoquant des infections urinaires plus sévères, notamment chez les jeunes femmes.

Hausse de la corésistance

Par ailleurs, les chercheurs observent une augmentation de la résistance des bactéries E. coli du microbiote intestinal aux céphalosporines de 3e génération, et non seulement aux fluoroquinolones. Le taux de corésistance a plus que triplé entre 2015 et 2021, passant de 2,1 à 6,6 %, lit-on, ce qui pourrait s'expliquer par le recours aux céphalosporines à la place des fluoroquinolones.

En conclusion, les auteurs, tout en rappelant l'intérêt de réduire la consommation d'antibiotiques, soulignent qu'elle ne saurait à elle seule réduire l'antibiorésistance. Et de plaider pour l'identification et la décolonisation des porteurs de souches résistantes, par exemple via le recours aux probiotiques ou aux bactériophages.  

Coline Garré

Source : Le Quotidien du Pharmacien