Le confinement général, qui avait débuté le 17 mars 2020, a entraîné une hausse significative des violences familiales. La secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes avait alors mentionné « environ 35 % de plus de signalements aux forces de l'ordre pour des faits de violences conjugales ».
Qu’en sera-t-il du couvre-feu imposé à compter du samedi 17 octobre 2020 à près de 20 millions de personnes ? Doit-on s’attendre également à une recrudescence des actes de violence commis au sein du cercle familial ?
Ces questions concernent nos officines qui, depuis le 27 mars dernier et un accord passé entre le ministère de l’Intérieur et le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, sont devenues des lieux d’alerte pour les victimes de ces violences. Ce dispositif, qui n’avait pas fait l’objet d’une loi spécifique, se fondait implicitement sur l’article 226-14 du Code pénal qui spécifie les cas dans lesquelles les pharmaciens ne sont plus tenus par le secret professionnel tel qu’imposé au titre de l’article R.4235-5 et de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique.
Ces cas, permettant la levée du secret professionnel, étaient pour l’essentiel, et cela avant la loi du 30 juillet 2020 :
Les sévices ou privations dont le pharmacien a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique Dans un tel cas il n’est pas nécessaire d’obtenir l’accord de la victime pour effectuer un signalement ;
Les sévices constatés, sur les autres personnes (majeures), par le pharmacien, dans l’exercice de sa profession, mais ceux-ci ne pouvaient être portés à la connaissance du procureur de la république qu’avec l’accord préalable des victimes.
Une nouvelle loi (n° 2020-936 en date du 30 juillet 2020) visant à protéger les victimes de violences conjugales a été adoptée au parlement. Elle permet (article 12) au pharmacien de ne plus être tenu par le secret professionnel ni d’obtenir l’accord préalable de la victime majeure «… lorsqu'il estime en conscience que ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci n'est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l'emprise exercée par l'auteur des violences… Le professionnel de santé doit s'efforcer d'obtenir l'accord de la victime majeure ; en cas d'impossibilité d'obtenir cet accord, il doit l'informer du signalement fait au procureur de la République ». La notion de danger immédiat, figurant dans ce texte, se trouvait déjà dans une loi précédente (n° 2007-293 du 5 mars 2007) réformant la protection de l'enfance.
En revanche, la levée du secret professionnel, en cas de danger immédiat et vital pour la victime majeure, peut-elle exposer nos pharmaciens, en cas de non-signalement, au risque d’être accusé de non-assistance de personne en danger ou péril et d’être condamné à une peine pouvant aller jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d’amende ? L’article 223-6 du Code pénal, définit cette non-assistance comme le fait de s’abstenir «… volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours ».
En définitive, la loi de juillet 2020 ne saurait faire peser sur le pharmacien une obligation nouvelle car celui-ci était déjà tenu par l’article Art. R.4235-7 du code de la santé publique de «… porter secours à toute personne en danger immédiat, hors le cas de force majeure ».