À deux semaines du coup d’envoi à la campagne de vaccination gratuite en officine, Marco Cossolo, président de la fédération italienne des pharmacies (Federfarma), brosse déjà un bilan positif.
« Ce sera un véritable succès, comme cela l’a été avec les tests de dépistage, chaque officine impliquée dans cette vaste opération pourra vacciner entre 20 et 30 personnes par jour, soit l’équivalent de 200 000 vaccinations par jour à l’échelle nationale », affirme ce pharmacien qui a commencé à gravir les échelons de la fédération en 2001. Un succès, c’est probable, car les pharmaciens ont longtemps attendu ce moment important. Les pourparlers entre le ministère de la Santé et les représentants des quelque 19 000 officines implantées sur tout le territoire ont commencé à l’automne dernier. Mais le parcours a été long et surtout semé d’embûches. À commencer, par exemple, par les disputes avec la fédération des Ordres des médecins et des orthodontistes qui a demandé au gouvernement de faire marche arrière en mars dernier lorsque la norme établissant que la vaccination en officine devait être supervisée par un praticien a été effacée. « L’agence italienne du médicament prévoit qu’un médecin doit évaluer l’état de santé d’un patient avant la vaccination et qu’il doit gérer la situation en cas d’effets secondaires », avait argumenté le Dr Filippo Anelli, président de FNOMCEO, équivalent de l'Ordre des médecins. Compte tenu de l’urgence de la situation, l’obstacle a été contourné. Les pharmaciens qui ont adhéré à la campagne de vaccination en officine ont dû suivre une formation. « La formation a duré environ deux jours, durant lesquels nous avons appris à inoculer le sérum, à discuter avec le patient avant de le vacciner, des gestes simples en fait que la plupart d’entre nous connaissaient déjà », explique le Dr Luca Pagano, titulaire d’une officine située dans le quartier du Colisée à Rome.
Johnson & Johnson et Astrazeneca
Le coup d’envoi à l’opération « vaccination en pharmacie » sera donné à partir du 1er juin. Mais pas dans toutes les régions. « Un grand nombre de régions sont déjà prêtes, d’autres pas encore, c’est toujours comme cela, tant que le service sanitaire sera fragmenté à cause de l’autonomie accordée aux régions en matière de santé, la situation ne changera pas », constate Marco Cossolo.
Chaque officine impliquée dans la campagne, doit disposer de trois espaces : une zone pour l’accueil et l’enregistrement des patients, une deuxième pour la vaccination, et enfin une autre pour la surveillance des personnes après l’injection. Les officines peuvent aussi installer une tente sur le trottoir. Les doses de Johnson & Johnson et Astrazeneca, seront livrées par le centre de Sécurité sociale régional. Les pharmaciens seront rémunérés à hauteur de 6 euros par patient, versés par la Sécurité sociale italienne. La vaccination sera réservée aux personnes résidentes en Italie et âgées de 18 à 60 ans, à condition qu’elles n’aient pas d’allergies et ne fassent pas partie de la population fragile. Les patients devront être munis d’une prescription rédigée par leur médecin traitant. « Ils devront s’inscrire sur la liste d’attente et remplir un formulaire, après quoi nous essayerons de regrouper les rendez-vous pour réussir à vacciner au départ au moins une vingtaine de personnes par jour, nous serons deux, moi et une autre personne », détaille le Dr Luca Pagano.
Une campagne au pas de charge
Tandis que les pharmaciens se préparent à accueillir leurs premiers patients, la campagne se poursuit au pas de charge à l’échelle nationale. Mais pas suffisamment selon l’épidémiologiste américain Anthony Fauci, qui reproche au gouvernement de Mario Draghi d’avoir commencé à déverrouiller le pays trop tôt, seulement 15 % de la population italienne ayant déjà été vaccinée depuis le début de la plus grande opération de vaccination gratuite de toute l’histoire italienne, fin décembre 2020. Mais pour réussir à vacciner au moins 60 % des Italiens d’ici à l’automne prochain, le gouvernement a mis les petits plats dans les grands en recrutant tous les professionnels de santé. À commencer par les médecins de famille, les vétérinaires et les dentistes. « J’ai préféré m’abstenir non pas pour des raisons médicales, mais à cause de l’organisation, je manque d’espace et j’ai déjà du mal à gérer la situation avec les mesures de restriction », confie le Dr Stefano Fattori, vétérinaire dans un quartier huppé de Rome.
Alors que plusieurs régions demandent au gouvernement d’ouvrir la vaccination aux étrangers cet été et d’autoriser les Italiens à se faire inoculer leur deuxième dose dans une autre région pour relancer le tourisme en pleine déprime, le ministère de la Santé rédige un premier bilan de la campagne. Pour atteindre l’objectif des 500 000 doses par jour, le ministère a multiplié les centres de vaccination en réquisitionnant les casernes et les hôpitaux de l’armée et les établissements du service public. Dans certaines régions, des conventions ont été signées avec des cliniques privées. Enfin, les parkings des grands aéroports, notamment à Rome et Milan, ont été transformés en vaccinodromes. Ce vaste réseau a déjà permis de vacciner 28.5 millions de résidents, dont 9.1 à deux doses. Un résultat important « qui montre que nous sommes dans la bonne voie », a récemment estimé le général Francesco Paolo Figliuolo, commissaire à l’urgence sanitaire et chargé de la campagne de vaccination par le premier ministre Mario Draghi.