La campagne électorale a aiguisé ce comportement général, mais il y a longtemps que les protestataires utilisent cet argument qui, contrairement à ce qu'ils affirment, constitue à lui seul une atteinte aux libertés de ceux qui ne sont pas d'accord avec eux. On l'a vu notamment avec les gilets jaunes, qui croient tellement à la liberté de démolir le paysage des villes qu'ils se réjouissent des incendies de voitures, de boutiques ou cafés et restaurants, souvent commis par des black blocs et non par eux, mais avec leur approbation servile et lâche, puisqu'ils laissent faire.
Le principe même de la manifestation, inscrit dans la Constitution, est donc bafoué avec une constance qui met parfois le pays au bord de l'abîme. Les pouvoirs publics ne peuvent réagir que par la répression, ce qui cause des victimes : nombre de gilets jaunes ont gardé dans leur chair les séquelles de leur « liberté ». Il y a là un malentendu qu'entretiennent avec délices les forces hostiles au gouvernement et qui, battus aux élections, souhaitent se rattraper par les moyens de la violence.
Les défenseurs de la liberté de citoyens mécontents sont assez nombreux pour que les vrais démocrates s'emparent du sujet et démontrent qu'il est le produit d'une bien mauvaise interprétation de la liberté, laquelle ne peut triompher que si elle se limite automatiquement dès que les règles de la manifestation sont violées. Le phénomène est de nature profondément minoritaire : si les gilets jaunes avaient le sentiment qu'ils pourraient gagner par les urnes, ils changeraient de stratégie. Mais, dans leur immense désespoir est contenue la défaite de leur posture. Et ils ne sont pas les seuls.
Changer le « système »
La droite, l'extrême droite (toutes variantes confondues), la gauche et l'extrême gauche se battent en dehors du Parlement pour exprimer un point de vue qu'elles défendent par la violence. Celle des mots d'abord, celle ensuite des actes commis à la faveur des rendez-vous qui finissent mal. Visiblement, les syndicats, qui souhaitent poser des limites à leurs revendications et à leurs conséquences, sont souvent dépassés par des mouvements sectaires dont le seul objectif est de créer le chaos. La mentalité libertaire a gagné à peu près tous les esprits, à cause des réseaux sociaux qui manipulent les foules et d'une conviction : c'est le « système » qui les empêche de se faire entendre et c'est donc lui qu'il faut changer.
Autrement dit, nos libertés sont si réduites qu'il faudrait que nous imposions nos idées par la force, ce qui revient à assassiner la liberté au nom de la liberté. Le cas de Sophie Pétronin, cette otage au Mali libérée en 2020, mais qui est retournée clandestinement dans ce pays africain parce qu'elle « s'y sent bien » est en tous points édifiant. Elle a vite oublié qu'il n'a été mis fin à son injuste détention qu'au prix d'une rançon et de la libération de 200 djihadistes qui ont repris le combat contre les forces françaises ; qu'elle n'a pas le droit, au nom de sa « liberté », de mettre en danger nos forces au Sahel ; et qu'elle est entrée au Mali sans visa, ce qui est illégal.
Est-ce que le confort existentiel de Mme Pétronin justifie que de jeunes soldats meurent à sa convenance ? A-t-elle perdu tout sens de la responsabilité ? On s'est perdu en conjectures pour savoir si elle a été incitée à partir sous l'emprise de quelque divagation, par égoïsme ou par mépris pour le rôle que la France joue au Sahel. Mais les pouvoirs publics ne peuvent pas rester indifférents à ce qu'elle a fait car, à cause d'elle, nous sommes entrés dans une nouvelle phase de la doctrine libertaire, celle qui préfère le sort d'un seul individu au détriment de la collectivité.
On voit donc ce que peut produire la répétition incessante de slogans qui, contrairement à ce qu'en disent ceux qui les prononcent, vont à l'encontre du bien-être national. Jamais on n'a autant émis de mensonges sur la liberté qui, rappelons-le, n'a de sens profond que si elle est associée à l'égalité et la fraternité.