Le Quotidien du pharmacien.- Quels défis la crise sanitaire a-t-elle posé en termes de management ?
Marie-Hélène Gauthey.- Il faut distinguer plusieurs périodes. Lors de la mise en place du premier confinement, l’officine n’était pas prête à affronter une telle crise. Le premier défi des titulaires a consisté à mettre en place les mesures pour sécuriser les membres de l’équipe officinale (masques, plexiglas, gel hydroalcoolique…).
Le second défi a été de maintenir la cohésion de l’équipe. Entre la baisse de l’activité économique, et par conséquent le chômage partiel, mais aussi les arrêts de travail pour maladie ou garde d’enfants, les officines ont souvent dû fonctionner avec des équipes incomplètes, certains salariés étant au front et d’autres chez eux. Les titulaires ont donc dû agir pour ne pas créer des tensions futures.
Le troisième défi, et là je dirai qu’il se retrouve sur toute la durée de la crise sanitaire, c’est le soutien aux équipes qui doivent affronter une agressivité inédite des patients au comptoir. Tout d’abord, sur le manque de stocks de masques, puis à l’automne sur la demande de vaccins antigrippaux. Il y a aussi les patients qu’il faut recadrer pour non-respect des règles sanitaires. Il a fallu donner les outils et les clés aux collaborateurs pour gérer cette relation tendue avec les patients.
Enfin, pour ancrer tous ces défis, il est important d’agir sur le levier de la reconnaissance (orale et financière). Le mécanisme de la prime Macron en a facilité la réalisation. Il faudra aussi reconnaître la mobilisation sur la mise en place des tests antigéniques.
Les tests antigéniques sont l’un des meilleurs exemples des nouvelles missions qui ont émergé au long de cette année. Des nouvelles missions qui ont sans doute révélé des aptitudes et des talents au sein des équipes. Comment capitaliser sur ces acquis de la crise ?
Marie-Hélène Gauthey.- Les tests antigéniques ont en effet signé une avancée majeure. Pour la première fois, les préparateurs sont associés à une nouvelle mission. Cela ouvre les champs des possibles vers la réalisation d’autres missions. Quoi qu’il en soit, les préparateurs et les adjoints ont signifié leur volonté de participer au combat, d’être en première ligne et démontré qu’on pourrait compter sur eux à l’avenir. Au sein de cette équipe qui s’est mobilisée, qui a fait front commun, certains clivages qui pouvaient exister entre préparateurs et pharmaciens pourraient s’atténuer et cela ne peut être que bénéfique pour la cohésion de l’équipe officinale.
L’amplitude des tâches réalisées au cours de cette année, va-t-elle amener les titulaires à changer leur management, à déléguer davantage ?
Marie-Hélène Gauthey.- Pour moi il y a les titulaires qui ont agi, ont été proactifs avec leurs équipes. Ils ont mis en place des bonnes pratiques et mutualisé les compétences. Et puis il y a les titulaires qui ont subi, qui n’ont pas suffisamment protégé, ni accompagné leurs salariés. L’avenir reposera sur l’impulsion qu’a su donner le titulaire en tant que chef d’orchestre. Ceux qui ont su fédérer bénéficieront de l’implication et la fidélité de leurs salariés. Quant aux autres, qui n’auront pas mis en place de bonnes pratiques dans la gestion de cette crise, ils auront peut-être aggravé les ruptures ou les tensions sous-jacentes. Je reste persuadé quoiqu’il arrive que chaque manager a beaucoup appris pendant cette crise.