« UNE ENTREPRISE exceptionnelle fondée par un homme exceptionnel, constamment en avance sur son temps. » C’est ainsi que le président de la République, inaugurant le 30 mai une nouvelle usine du groupe dans le Tarn, définissait cette société atypique, troisième laboratoire français, née du génie d’un pharmacien du sud-ouest. Comme un ultime hommage à l’un des tout derniers capitaines d’industrie en France, créateur de son entreprise qu’il a su élever au niveau international. Quelques semaines plus tard, le 20 juillet, Pierre Fabre s’éteignait, à 87 ans, à son domicile de Lavaur.
Né à Castres le 26 avril 1926, Pierre Fabre aura été, tout au long de sa vie bien remplie, fidèle à sa région, au point d’en être devenu l’un des principaux employeurs et sûrement son plus grand mécène. « La fibre régionale est pour moi plus forte que tout », aimait-il rappeler. En 1951, il achète dans sa ville natale une pharmacie, qui existe toujours. Son aventure industrielle commence en 1959, avec l’invention du premier veinotonique, Cyclo 3, à base de petit houx. Un succès. Trois ans plus tard, il crée le laboratoire qui porte son nom. « Pharmacien, le plus beau des métiers », confiait-il à ses visiteurs. Et c’est en pharmacien qu’il édifiera, pierre par pierre, son empire. Tout ce qui se vend, ou peut se vendre, en pharmacie, sera toujours au cœur de son esprit d’entrepreneur insatiable. Les médicaments, bien sûr, auxquels il consacrera d’importants budgets de recherche et de développement. Mais aussi la médication familiale, les produits d’hygiène et, l’une de ses passions, la dermocosmétique. Ce visionnaire intuitif et avisé acquiert la marque Klorane, en 1965, puis Ducray, en 1969, Galenic, en 1977, René Furterer, en 1978. L’un de ses coups de génie est le rachat, en 1990, de la station thermale d’Avène, qu’il ressuscite et dont il tire profit des eaux bienfaitrices pour lancer une gamme de dermocosmétique qui rayonne aujourd’hui dans le monde, jusqu’en Chine où son succès est phénoménal.
Patriotisme industriel.
La dermocosmétique assure aujourd’hui un peu plus de la moitié du chiffre d’affaires du groupe. Ce dernier s’élève à près de deux milliards d’euros, dont 54 % sont réalisés à l’international. Ce qui ne l’empêche pas d’employer 6 700 salariés en France, sur un effectif global de 10 000 personnes. Une exception à l’heure de la mondialisation, qui n’a pas échappé à Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, qui a salué en Pierre Fabre « un défenseur du patriotisme industriel ».
Loin de lui monter à la tête, cette réussite exceptionnelle ne change en rien ses habitudes. Sa discrétion, presque obsessionnelle, déroute. Autoritaire, il contrôle tout et laisse peu de marges de manœuvres aux différents directeurs généraux qui se succèdent à la tête du groupe. Jusqu’à la fin, malgré la maladie, il continue de régner sur un empire qu’il a lui-même construit avec patience et détermination. Le laboratoire, les marques de dermocosmétiques, mais aussi les médias (dont « Valeurs Actuelles » et « La Dépêche du Midi ») et le sport, avec le Castres Olympique, qu’il soutient financièrement depuis 25 ans, champion de France de rugby en 2013.
Une succession qui garantit l’avenir.
Ne laissant rien au hasard, ce pharmacien passionné devenu entrepreneur génial, avait de longue date préparé sa succession. En 1999, il crée une fondation, aujourd’hui reconnue d’utilité publique. Il se lance dans l’action humanitaire, en aidant notamment l’enseignement universitaire pharmaceutique en Afrique et en Asie, et la recherche sur des maladies peu connues comme la drépanocytose.
Pour assurer l’indépendance, l’identité et la pérennité de son groupe après sa disparition, dès 2008, Pierre Fabre lègue 66 % du capital de son groupe à la fondation qui porte son nom. Le dispositif, taillé sur mesure, repose sur cinq règles d’or à respecter impérativement. Il garantit l’indépendance de la société vis-à-vis de capitaux extérieurs, son ancrage dans sa région d’origine, l’investissement de « montants significatifs » dans la recherche et le développement, le maintien d’activités variées (médicaments, santé familiale, dermocosmétique…), et la poursuite de financements de la fondation pour des actions humanitaires dans le monde.
C’est sur ce socle solide que l’entreprise Pierre Fabre va devoir poursuivre sa route, sans son fondateur emblématique. Les perspectives semblent favorables puisque le groupe vise près de 4 milliards de chiffre d’affaires à l’horizon 2020. C’est Pierre-Yves Revol, homme de confiance de Pierre Fabre, qui a pris la présidence de la Fondation Pierre Fabre et de Pierre Fabre Participations (actionnaire de contrôle de Pierre Fabre SA). Environ 7 % du groupe est détenu par les salariés. C’est Bertrand Parmentier qui a été nommé directeur général de Pierre Fabre SA, une entreprise qu’il connaît bien pour y avoir travaillé durant 18 ans, avant de rejoindre l’équipementier aéronautique Latécoère. Jean-Jacques Bertrand, administrateur du groupe, prend la présidence du conseil d’administration. Et Éric Ducournau est nommé président de la SAS Pierre Fabre dermocosmétique, en complément de ses fonctions de directeur-général de cette branche. Une équipe qui connaît bien la maison et à qui il revient désormais de poursuivre l’œuvre engagée depuis un peu plus d’un demi-siècle par un pharmacien d’exception.
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