ENTRE le moment où le développeur, ou le laboratoire génériqueur, commence à travailler sur le choix de la molécule princeps à copier et sa mise sur le marché, il se passe 6 à 8 ans, voire plus. Il faut tout d’abord étudier les brevets des médicaments, leur durée de protection (20 ans dont 10 ans de protection commerciale voire 11 si le laboratoire a commencé à étudier une indication pédiatrique) et les données économiques (prix, volume vendu…). « Ce ne sont pas que des blockbusters car le marché peut être intéressant même quand il s’agit de médicaments de niche. La gamme des médicaments génériqués en France est ainsi très large », précise Catherine Bourrienne-Bautista, déléguée générale du GEMME. Le développeur Substipharm par exemple, de loin celui qui a développé le plus de produits dans l’Hexagone, s’est ainsi concentré, depuis sa création en 1995, sur des molécules de niche.
Outils d’analyse actuels.
Une fois le dossier dégrossi, place aux études de faisabilité. « Nous analysons la biodisponibilité du médicament de référence, de façon à comprendre si le projet est envisageable ou risqué », explique Laurent Terrassin, responsable Développement pharmaceutique chez Substipharm. « Nous connaissons le principe actif, sa composition chimique, mais pas la formule du médicament (excipients, quantités…). Il nous faut donc la reconstituer pour obtenir l’exacte composition ».
Les outils d’analyse et les règlements ayant changé depuis le dépôt du brevet, le générique est développé avec les outils actuels perfectionnés et soumis à une réglementation plus stricte, ce qui explique pourquoi la formule n’est parfois pas identique. « Mais à la limite, tout changement ne peut qu’être en mieux car parfaitement actualisé. Si le médicament princeps était jugé conforme à l’époque, ce n’est pas forcément le cas 15 ou 20 ans plus tard. Nous sommes ainsi obligés d’obéir aux contraintes réglementaires d’aujourd’hui, sinon nous n’aurions pas d’AMM. Et au moindre doute nous risquerions un refus d’AMM », assure Léopold Berthier, président de Substipharm. Ce point, positif pour les génériques, est curieusement méconnu…
Arriver le premier.
Étapes suivantes : transfert au niveau industriel, puis études de stabilité, de pharmacotoxicologie, de bioéquivalence (qui garantissent notamment que le devenir de la molécule active dans l’organisme - absorption, distribution, métabolisme et élimination - est superposable à celui du princeps) et cliniques, plus allégées que pour les produits de référence, menées chez des volontaires sains. Dernière phase, l’enregistrement, national quand le générique est destiné à un seul pays, ou européen, puis la fixation du prix et du remboursement (en 2 mois) et l’inscription au répertoire (2 mois). Mais, comme pour tout médicament, il y a des échecs à chaque étape du processus. Tout peut être remis en question pour des difficultés de formulation, des problèmes de stabilité du produit, au passage à l’industrialisation, pour des questions de pharmacocinétique ou de bioéquivalence, et même au stade de l’enregistrement. Par ailleurs, la concurrence est rude, il s’agit notamment d’arriver le premier à l’échéance du brevet du princeps sans que le développement ait coûté trop cher. Ces coûts varient entre 500 000 euros dans le meilleur des cas (par exemple pour les sirops et solutions buvables) et plusieurs millions d’euros. Les formes retard étant les plus coûteuses parce que les plus complexes à mettre au point et nécessitant davantage d’études de pharmacocinétique. « La réglementation évoluant régulièrement au niveau international pour améliorer la qualité et la sécurité du médicament, oblige à se mettre à jour et renchérit le coût du développement. Mais ces contraintes sont justifiées dans la grande majorité des cas », conclut Laurent Terrassin.
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