À deux pas du Capitole, la petite pharmacie toulousaine MonOrdo ne paie pas de mine.
À l’intérieur, aucun rayonnage de médicaments ou parapharmacie, mais un espace épuré avec une zone d’attente (canapé), un petit comptoir et un bureau où le patient s’assoit face à son pharmacien, pour la délivrance de son traitement ou parler de sa santé.
Si cette « nouvelle officine » reçoit tous les publics, pratique des tests antigéniques, assure ses gardes, dispense des médicaments, elle s’adresse principalement aux patients chroniques.
22 millions de patients
Un marché ciblé par Sébastien Bonnet**, co-créateur de la start-up MonOrdo (avec Léo Péchin, ingénieur informatique) : « En officine, j’ai constaté diverses problématiques de commande, ruptures, erreurs, mauvaise observance, qui impactent les patients chroniques… Des patients qui prennent en moyenne 5 à 7 médicaments différents tous les mois, et dont 60 % ne respectent pas leur traitement. Ce qui entraîne 100 000 hospitalisations et la perte d’un milliard d’euros par an pour la Sécurité sociale. » Bref, un enjeu de santé publique et un marché considérable que la start-up estime, en France, à 22 millions de patients.
Pour eux, MonOrdo déploie une solution numérique 100 % gratuite. En pratique, le patient qui sort de chez son médecin, scanne son ordonnance, l’envoie avec son téléphone sur l’appli MonOrdo***, sélectionne les médicaments qu’il souhaite commander et indique la date de début du traitement.
Au siège de la start-up, des algorithmes numérisent et structurent les données pour les transmettre à la pharmacie MonOrdo. Là, un pharmacien vérifie la prescription, un robot de PDA prépare et conditionne les médicaments sous forme d’un rouleau de sachets-doses étiquetés par prise, pour 21 jours (elle est ensuite renouvelée jusqu’à la fin du traitement).
Après une dernière vérification du pharmacien, le traitement est conditionné et livré gratuitement chez le patient, ou récupéré en click & collect dans l’officine MonOrdo.
L’appli assure l’accompagnement du patient tout au long du process : notifications des médicaments à prendre, possibilité de contact avec le pharmacien par téléphone ou en visio : « Nous offrons au patient chronique un parcours simple, optimisé et sécurisé, favorisant l’observance », résume Sébastien Bonnet.
Créée en 2019, la start-up a reçu le soutien de la région Occitanie pour la création des logiciels, du ministère de la Santé pour leur agrément, et a levé 700 000 € auprès de banques et de fonds d’investissement.
Changement de modèle
Initialement l’appli devait être développée (par abonnement) avec des officines toulousaines : « Nous en avons rencontré une centaine » indique Sébastien Bonnet, qui avoue s’être heurté à un certain « immobilisme ». La start-up a donc changé de modèle, ouvrant sa propre officine et visant, d’ici à 5 ans, la création d’une pharmacie MonOrdo dans les 22 plus grandes villes de France (3 en 2022). Un développement en franchise**** qui s’adresse à de jeunes pharmaciens à l’esprit start-up, reprenant de petites officines peu chères, et parfois mal en point. En effet, le concept nécessite peu de place : 60m² en front office et autant en réserves et production, pour la pharmacie toulousaine.
Pour l’heure, Sébastien Bonnet ne souhaite pas communiquer sur ses résultats, mais estime à 200 patients chroniques réguliers, le niveau d’équilibre d’une telle officine, avec deux pharmaciens et une préparatrice. Actuellement, sa patientèle se compose de « jeunes » (30-50 ans) patients chroniques (diabète, VIH) qui se simplifient la vie avec une appli qu’ils maîtrisent aisément, et de patients âgés vivant à domicile et accompagnés par un tiers aidant ou un professionnel de santé (infirmière) interlocuteurs de MonOrdo.
La start-up qui aimerait « réinventer la pharmacie » essuie quelques critiques de confrères, craignant la déshumanisation de l’officine. Sébastien Bonnet reconnaît que son concept peut être clivant, mais il affirme : « Nous avons créé une pharmacie servicielle qui a un vrai impact sur le quotidien des patients et répond à un réel besoin. De plus, notre pharmacien s’éloigne de l’image de commerçant pour se recentrer sur son expertise : le médicament. »
*https://www.monordo.com/ La start-up emploie 6 personnes au siège (support technique, développement), 2 pharmaciens et 1 préparatrice dans l’officine toulousaine, les livraisons étant assurées par Sébastien Bonnet, son créateur. Elle prévoit 150 recrutements dans les 5 ans.
** Titulaire d’une Licence de chimie, d’un doctorat de pharmacie, d’un diplôme de l’ESSEC en stratégie et management des industries de santé.
*** Le patient peut aussi amener son ordonnance à la pharmacie où elle sera scannée par le pharmacien ou une borne en libre-service.
**** La rémunération de MonOrdo serait alors un panaché entre une centrale d’achat, une redevance de marque et des abonnements logiciels.