Initiée en avril 2019 dans le cadre de la prévention antigrippale, la vaccination par le pharmacien est amenée à prendre de l'ampleur. De fait, le contexte sanitaire actuel invite largement ce professionnel de santé à vacciner les patients contre le Covid-19. « Cette nouvelle mission est loin d'être anodine. Elle doit être couverte par une assurance en responsabilité civile. Comme les médecins et les infirmiers, les pharmaciens ne sont pas à l'abri d'un effet secondaire plus ou moins grave (réaction anaphylactique, voire décès) du patient, à la suite d'une vaccination. Et cela, même en prenant toutes les précautions préalables à cet acte », souligne Nicolas Gombault, directeur général délégué et directeur de l’indemnisation du groupe MACSF.
Vaccination : se prémunir contre les erreurs et les imprévus
Aujourd'hui, les débats sur la responsabilité du médecin en matière de vaccination contre le Covid concernent aussi, plus que jamais, l'officinal. D'autant que l'erreur est humaine. Qu'advient-il, par exemple, du pharmacien ayant vacciné, à tort, un patient victime d'un effet indésirable grave lié à une contre-indication à l'un des composants du vaccin ? Sans assurance contre ce type de risque, cette erreur peut coûter cher. D'autres problèmes peuvent survenir. « Dans la mesure où il s'agit de produits devant être conservés au réfrigérateur, une défaillance dans la chaîne du froid engage la responsabilité du pharmacien », note Philippe Dubessy, directeur de GPM Pharmateam. Il s'agit d'un problème bien connu de l'officinal. Mais avec l'émergence de la vaccination en officine, le pharmacien sera sûrement amené à recevoir de grandes quantités de vaccins. « Le titulaire doit connaître les montants garantis par son assureur. Car en cas de panne de son réfrigérateur, ce montant pourrait ne pas couvrir la totalité des médicaments et vaccins inutilisables », précise Philippe Dubessy.
Des actes cotés, facilement traçables
Concernant les entretiens pharmaceutiques, les pharmaciens doivent vérifier la bonne observance du traitement et recommander, si besoin, une adaptation de la posologie. En effet, mal dosés ou associés par erreur à d'autres produits, les médicaments tels que les AVK et les AOD peuvent engendrer des hémorragies nécessitant une hospitalisation. Le pharmacien doit également veiller aux risques iatrogènes lors des bilans partagés de médication (BPM). « Dans le cadre de ces nouvelles missions, on pourrait, par exemple, reprocher au pharmacien de ne pas avoir décelé une interaction médicamenteuse. Ces risques existaient déjà via la dispensation du médicament. Mais à partir du moment où les entretiens pharmaceutiques et les BPM sont des actes cotés et tracés, la responsabilité de l'officinal devient bien plus facile à mettre en jeu », prévient Stéphane Dubar, directeur général adjoint de La Médicale.
Même chose concernant la téléconsultation ou le télésoin. « Ces deux actes étant cotés, une erreur de la part du pharmacien – telle que l'incapacité de ce dernier à organiser la téléconsultation dans un délai compatible avec l'état de santé du patient pourrait lui être reproché », précise Stéphane Dubar. Autre risque concernant les tests dédiés au dépistage du Covid-19 : « comme avec un médecin traitant, s'il n'est pas correctement effectué (et que son résultat est négatif) chez un patient qui s'avère être infecté par le coronavirus, ce dernier pourrait se retourner contre son pharmacien pour défaut de diagnostic pouvant entraîner une perte de chance », prévient Stéphane Dubar.
Parmi ses nouvelles prérogatives, l'officinal peut désormais adapter certains traitements de façon unilatérale, et d'autres en ayant au préalable obtenu l'autorisation du prescripteur. « Or si le pharmacien adapte la prescription en dehors du cadre légal - c’est-à-dire, sans avoir échangé avec le médecin traitant - sa responsabilité pourrait être engagée. Il s'agit là d'un nouveau risque qui doit être connu des officinaux », indique Stéphane Dubar.
Des missions couvertes comme toutes les activités légales du pharmacien
Face à toutes ces nouvelles missions et à la multitude de risques qu'elles engendrent, le pharmacien est-il bien protégé ? Une chose est sûre, tout titulaire d'une officine a pour obligation de souscrire une assurance en responsabilité civile professionnelle (RCP) prenant en charge les dommages causés par ses employés quels qu'ils soient (pharmacien adjoint, stagiaire, remplaçant, préparateur, agent d'entretien…), dans le cadre de leur activité légale. Le titulaire et son équipe doivent, ainsi, faire attention à ce que le contrat de RCP de l'officine couvre bien la totalité des actes qu'un pharmacien a le droit d'exercer. Cette garantie est toutefois assortie d'une exception. La faute détachable (faute d'une gravité exceptionnelle : malveillance, infraction du code de déontologie…) n'est pas couverte par la RCP. « Il est évident, par exemple, qu'un pharmacien ayant agressé, de quelque manière que ce soit, son patient sous un coup de folie ne sera pas couvert par la RCP de l'officine », souligne Jérôme Parésys-Barbier, président de la section D (adjoints) de l'Ordre national des pharmaciens.
Quid des nouvelles missions, sont-elles couvertes dans le cadre de la RCP ? Oui, répondent les assureurs, de façon unanime. « Dans la mesure où il s'agit d'activités légales, les pharmaciens sont protégés par l'assurance multirisque de la MACSF, au même titre que pour leurs activités classiques. Nous n'avons pas modifié nos contrats », affirme Nicolas Gombault. Même réponse du côté de La Médicale. « Nous avons intégré les nouvelles missions dans l'assurance multirisque professionnelle de l'officine. Aucun sinistre n'a, pour le moment, été déclaré concernant ces dernières. Si à l'avenir, certains actes s'avèrent particulièrement risqués, nous pourrions adapter nos contrats à cette sinistralité et, éventuellement, segmenter nos offres », note Stéphane Dubar. Enfin, comme le souligne Philippe Dubessy, « Pharmateam n'a aucune raison de créer une assurance spécifique pour les nouvelles interventions du pharmacien. Nos cotisations sont calculées en fonction du chiffre d'affaires de l'officine. Les cotisations correspondront donc, directement, aux risques incluant les nouvelles missions ».