À partir du 1er janvier, trois nouvelles régions vont pouvoir démarrer l'expérimentation OSyS* (Corse, Centre-Val de Loire et Occitanie), qui a déjà montré des résultats très encourageants en Bretagne. La perspective de voir des pharmaciens prendre en main des soins non programmés dans six situations cliniques (plaies simples, piqûres de tiques, cystites, brûlures du 1er degré, douleurs pharyngées et conjonctivites) suscite toutefois critiques et interrogation chez certains médecins…
Déléguée générale du syndicat de médecins MG France et vice-présidente de l'URPS médecins libéraux Centre-Val de Loire, la Dr Alice Perrain ne s'est pas privée de critiquer l'expérimentation bretonne qui, selon elle, ne montre « pas clairement d'amélioration de l'accès aux soins. C'est beaucoup de perte de temps et d'argent », dénonce-t-elle dans « Le Quotidien du médecin ». Alice Perrain ne semble accorder aucun crédit aux résultats observés sur le terrain breton, qui montrent pourtant que 702 patients (sur les 2 500 patients pris en charge dans l’une des 50 pharmacies qui ont participé à l'expérimentation depuis son lancement) auraient consulté un médecin en priorité et 90 autres se seraient présentés directement aux urgences hospitalières s’ils n'avaient eu accès au dispositif. La généraliste s'interroge également sur la manière dont vont collaborer les pharmaciens impliqués dans OSyS et les médecins, en particulier ceux qui participent aux services d'accès aux soins (SAS). « Si l'État veut que les autres professionnels s'occupent des soins non programmés, il faut nous le dire. Comme ça, je ferme mes créneaux et je ne fais plus de régulation au SAS », prévient-elle.
Des propos qui n'ont pas manqué de faire réagir en terre bretonne. Vice-présidente de l'URPS Pharmaciens de Bretagne, Noëlle Davoust regrette la prise de position du Dr Perrain. « La phase I d'OSyS a été évaluée par un examinateur extérieur et il a été démontré que les résultats observés répondaient bien aux objectifs du projet. Le pharmacien ne fait pas de diagnostic, il bénéficie juste d'un outil d'aide à la décision et à l'orientation du patient. L'arbre décisionnel a été co-construit par les pharmaciens et les médecins, comment ces derniers peuvent-ils être contre ? s'interroge Noëlle Davoust. L'expérimentation a démontré qu'elle contribuait à réduire l'engorgement des urgences et des cabinets médicaux en retirant aux médecins des actes qui relèvent de la "bobologie", ce qui leur permet donc de se concentrer sur des actes plus complexes. OSyS a permis d'éveiller les consciences, comme on le voit avec la volonté d'autoriser les pharmaciens à prendre en charge cystites et angines, et ce hors du cadre de cette expérimentation », développe-t-elle.
Président de l'URPS médecins libéraux de cette même région, le Dr Thierry Labarthe a accompagné le lancement et l'avancée d'OSyS. Il adopte de son côté une posture plus nuancée et comprend les craintes exprimées par sa consœur de Centre-Val de Loire. Même si une évaluation a été menée, « il est très difficile de mesurer à quel point le dispositif a permis ou non d'améliorer l'accès aux soins, estime-t-il. Cela dit, sur le plan philosophique, faut-il se lancer dans cette voie, faire collaborer médecins et pharmaciens ? Bien sûr que la réponse est oui », ajoute-t-il. Ce dernier invite officinaux et praticiens à dialoguer en amont. Même si des tensions peuvent être observées au préalable, « sur le terrain cela se passe souvent bien », tient-il à rappeler.
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