Le déchaînement des attaques au couteau (plus d'une quinzaine en cinq ans, avec une accélération cette année, et le registre reste donc ouvert) met forcément nos concitoyens sur la défensive et le gouvernement en mode offensif avec des mesures de renforcement des forces de l'ordre et Vigie-pirate en alerte maximum. Tout cela sur fond de pandémie sévère qui a déjà exigé des dispositions drastiques et dont les conséquences sociales sont accablantes. Nous n'avons pas le choix : non seulement il faut frapper encore plus fort les acteurs de la haine, mais il faut se battre contre la contagion avec les rares moyens dont nous disposons, distanciation, gestes barrières, confinement.
La notion de fatalité est inacceptable. Les auteurs de ce vaste complot silencieux contre les Français sont connus, identifiés et ne semblent anonymes que parce que les porteurs d'armes blanches ne révèlent leur projet qu'au moment où ils l'accomplissent. Mais ils sont les exécutants d'une sorte de conspiration nichée dans les réseaux sociaux et leurs applications secrètes, les marionnettes d'organisations qui, elles, ne cachent pas leurs intentions, de régimes politiques qui ont décidé de faire de la France le bouc émissaire de leur propre folie, de leurs ambitions funestes, de leurs provocations à la fois insensées et destructrices.
L'un de ces régimes est la Turquie dont le président, Recep Erdogan, exhale tous les jours par ses discours incendiaires sa haine personnelle contre Emmanuel Macron et sa volonté d'humilier notre pays. Il exprime les désagréments que lui inspireraient notre politique étrangère ainsi que notre attachement aux valeurs démocratiques et républicaines, mais il feint aussi sa colère : il crée un abcès de fixation sur une crise qu'il a délibérément provoquée pour mieux détourner le regard de son propre peuple des sérieuses difficultés auxquelles est confrontée la société turque.
Feu de tout bois
Il joue son destin en ce moment même car il n'est pas assuré de remporter les prochaines élections. Il a embrasé le monde arabo-musulman contre nous et lancé un boycott international qui ne durera pas, mais il fait feu de tout bois pour gagner du temps. La nature et l'intensité de ses attaques contre la France traduisent surtout son incapacité à gérer la crise économique et sociale en Turquie et la baisse de sa popularité, de sorte qu'aux excès de sa vision, la reconstitution de l'empire ottoman, s'ajoutent les outrances de ses manières, grossières, systématiques, quotidiennes. C'est une sorte de cercle vicieux où le nombre de provocations ne diminue jamais, où la politique du bord de l'abîme sert de diplomatie, où le crime est applaudi et la victime dénigrée.
En France, les voix sont assez nombreuses qui réclament une ferme riposte pour que nous ne leur ajoutons pas la nôtre. Nous n'allons certainement pas bombarder Ankara et ceux qui croient à une solution par la force militaire ne savent même pas où une telle option nous entraînerait. Mais d'abord nous devons traiter le sultan ottoman avec une sévérité qui ne doit pas cacher notre mépris. Nous devons aussi lui rappeler que nous ne sommes pas seuls, qu'en encourageant le terrorisme en France, il provoque l'Union européenne tout entière et qu'il aura beau s'agiter, il ne trouvera comme soutiens que les plus fanatiques représentants du monde musulman. Nous devons lui opposer notre force tranquille, mettre en garde tous ceux en France qui seraient tentés par le terrorisme, y compris les 700 000 Turcs que nous avons généreusement accueillis, et les avertir que la violence leur coûterait cher.
La tâche du chef de l'État est sûrement la plus difficile à accomplir que celle de ses prédécesseurs, depuis 1959. Elle peut certes le consumer car, de la gestion de la pandémie à celle de la terreur, il n'y a que des coups à prendre. Mais la question ne porte pas sur son destin personnel. Elle porte sur celui du pays.