En principe, le repas du soir en institution marque la fin de la journée et représente une source de plaisir tant sur le plan organoleptique que sur celui de la convivialité. Pourtant, l’étude met en évidence que seulement un quart des résidents en EHPAD déclare manger par plaisir lors du dîner, la moitié vient au repas par habitude et un quart dit manger par obligation
Au moment du dîner, 44 % des répondants ont une faim normale, et plus de la moitié ne ressentent qu’une légère faim ou aucune faim. Il est possible que le manque d’appétit exprimé en début de repas révèle plus un manque d’envie de manger lié au contexte (on n’est pas dans une situation « normale » de repas). Le manque d’appétit le soir peut aussi s’expliquer par une prise du goûter rapprochée du dîner (vers 16 heures, soit près de 2 heures seulement avant le début du dîner) et le peu d’activités physiques des résidents. Par ailleurs, une partie d’entre eux porte une attention particulière à ne pas trop manger le soir en lien avec leur état de santé ou l’attention qu’ils portent à leur sommeil jugé plus difficile en cas d’apports énergétiques trop importants le soir.
Les quantités proposées ne s’inscrivent pas dans la structuration du dîner que prenaient généralement les résidents à leur domicile, le dîner est jugé trop copieux, et ils apprécieraient de retrouver un mode de préparation des plats plus proche de celui fait à domicile. « Chez moi, je faisais des œufs, une tomate, un yaourt et cela me suffisait. Ici il y a trop à manger. M., F., 87 ans » Un autre motif d’insatisfaction (16,6 %) concerne les horaires des repas du soir qui sont pris trop tôt : 100 % des dîners en EHPAD débutent avant 19 heures contre 37 % à domicile, ce qui soulève la question du jeûne nocturne. « Des fois à 2 heures du matin, je ne dors pas et je grignote un biscuit sec sucré. F, 98 ans. J’ai des réserves de biscottes et de chocolat si j’ai faim dans la soirée après le repas. F, 91 ans. »
Un dîner en salle controversé
Autre constat préoccupant : la durée du repas du soir est fortement tributaire de la contrainte d’organisation du coucher des résidents par l’équipe de jour. Ceci impose souvent de contenir le dîner dans un laps de temps court, qui se solde trop souvent par un dîner précipité dont la durée moyenne est de 45 minutes Les résidents eux-mêmes sont gagnés par le souhait de réduire le temps du dîner afin d’être couchés parmi les premiers et d’éviter les bousculades à l’heure de regagner les chambres : « Le soir c’est la grande vitesse pour aller se coucher. Il faut monter au deuxième. Ils nous débarrassent tout alors qu’on est encore au fromage. F, 87 ans. » La durée du repas peut également être corrélée au manque de personnel. Cependant, les critiques des résidents relatives au personnel d’établissement sont très minoritaires. Ils estiment généralement qu’il apporte une réelle aide à ceux qui en ont besoin et fait du mieux qu’il peut compte tenu de sa surcharge de travail
La prise alimentaire en salle à manger participe au bien-être général et à l’équilibre des résidents en associant le maintien du lien social et l’autonomie, mais elle met en lumière la fragilité de chacun. Le fait de dîner entourés d’autres convives est généralement perçu positivement pour beaucoup de résidents, ce moment stimule l’appétit de certains, alors que d’autres préfèrent la tranquillité en optant pour un plateau servi en chambre. En partageant la même table, les résidents deviennent témoins de la dégradation de l’état de santé des autres et les problèmes d’ouïe limitent les capacités de discussion entre voisins de table. « Mes voisins de table sont gentils mais ils perdent la mémoire. L, F 85 ans. Je ne discute pas parce que je n’entends pas, cela me fatigue beaucoup de parler. G, F, 87 ans. » C’est d’autant plus difficile lorsque l’on ne choisit pas les personnes avec qui on mange et que certaines ne peuvent pas, du fait de leurs pathologies, respecter les normes du bien manger et la bienséance à table. D’autre part, côtoyer à table des convives de milieux différents, aux opinions, valeurs et comportements autres, amène parfois à subir de la violence verbale de la part de certains ou à la percevoir à une table voisine.
* Menée d’octobre 2019 à janvier 2020 sur un échantillon de 96 résidents de 87,6 ans en moyenne, dont 74 % de femmes, ayant un séjour moyen de 2 ans et 10 mois.
D’après un communiqué de l’Institut Nutrition et la Fondation Restalliance.