Si c’est à Pierre Laroque (1907-1997) que revient le mérite d’avoir élaboré, dès 1944, le modèle français de Sécurité sociale, c’est le ministre communiste du travail Ambroise Croizat (1901-1951) qui mit en œuvre fin 1945 les ordonnances promulguant l’assurance-maladie puis l’assurance vieillesse.
C’est pourquoi ils figurent côte à côte, 70 ans plus tard, sur un timbre honorant les « pères » de la Sécu dont l’esthétique fait par ailleurs débat dans le petit monde des philatélistes.
À l’époque des fondateurs, il était toutefois inutile d’utiliser des timbres pour écrire à la Sécurité sociale, que l’on soit professionnel de santé ou assuré. Jusqu’en 1986 en effet, tout le courrier qui lui était destiné bénéficiait d’une « dispense d’affranchissement » qui équivalait, pour ses correspondants, à une véritable franchise postale. La Sécurité sociale versait pour cela aux PTT – la Poste de l’époque – un forfait annuel qui se montait, en 1986 à un milliard de francs, soit 152 millions d’euros. Cet avantage fut supprimé à partir de 1987 dans le cadre du 2e « Plan Seguin » adopté en novembre 1986. Dès lors, assurés et professionnels durent eux aussi affranchir leur courrier. Les PTT ont sans doute gagné au change, dans la mesure où l’époque était aussi au renforcement des tâches administratives et des échanges de correspondance…
Quelques années plus tard, le volume de courrier adressé à la « Sécu » se réduira comme une peau de chagrin avec l’informatisation des feuilles de soin et la télétransmission. Toutefois, hasard de l’histoire, le timbre-poste sur la Sécurité sociale fait son apparition alors même que les syndicats de médecins continuent d’appeler leurs confrères à revenir au courrier papier et aux feuilles de soins manuelles pour protester contre la loi de santé et la généralisation du tiers payant…
On ne sait pas combien de praticiens, ni combien d’assurés, utilisent désormais ce timbre pour écrire à la Sécurité sociale. Mais ce qui est certain, c’est que sa valeur de 0,68 euro, soit le prix d’une « lettre verte » – on parlait auparavant moins poétiquement de « tarif économique » – s’inscrit, pour ses utilisateurs, dans un objectif de maîtrise des dépenses que ne reniera pas non plus la destinataire de leurs courriers.