Des traitements à des prix très élevés, injustifiés quand la notion de progrès n’est pas garantie au patient, des médicaments qui n’ont d’innovants que le nom et un accès qui reste précaire, quoiqu’affirme le gouvernement : les griefs des associations de patients et des ONG à l’encontre de l’industrie pharmaceutique et des pouvoirs publics ne se sont pas taris depuis la polémique qu’elles avaient suscitée en 2014 sur le prix du traitement de l’hépatite C.
Confortées par le souvenir de cette mobilisation qui avait mené à une baisse de 22 % du prix de ce traitement, huit organisations* s’unissent à nouveau pour publier un livre blanc. Leur objectif est d’alerter la société civile et de peser sur les pouvoirs publics alors que se tiendra, le 10 juillet, le Conseil stratégique des industries de santé. « Il s’agit d’un diagnostic fondé sur l'évidence », assène Olivier Maguet, responsable de la campagne Prix du médicament de Médecins du Monde.
Dans ce réquisitoire à charge contre l’industrie pharmaceutique, les associations dénoncent l’opacité qui entoure le financement et les coûts de la recherche, une grande partie de la R & D étant fournie, selon elles, par les organismes publics. « Ce mode d’organisation et des transferts de la recherche vers l’industrie a définitivement démontré ses limites, tout comme les conditions dans lesquelles sont menés les essais cliniques en France », déclare Juliana Veras, membre du bureau des Universités alliées pour les médicaments Essentiels (UAEM). Est également mise en cause la caractérisation de nombreux produits en « médicament innovant », une définition qui sert fréquemment, selon les observateurs, à justifier des prix « inflationnistes » sans pour autant prouver un SMR supérieur.
Porter la voix de la société civile
La même confusion règne, toujours selon les associations, sur le marché des brevets, et notamment dans l’octroi des certificats complémentaires de protection (CPP). En atteste le récent exemple de l’invalidation du CCP qui allongeait jusqu'en février 2020 le brevet du Truvada, rappelle Caroline Izambert, responsable plaidoyer et mobilisations citoyennes à l’association de lutte contre le sida et les hépatites AIDES.
D’après les organisations, ces divers stratagèmes ne serviraient qu’un seul objectif : maintenir les prix à des niveaux artificiellement élevés. Les associations de patients s’inquiètent, du reste, du manque de transparence dans les modalités de fixation et de contrôle des prix. « Il y a des différences notoires entre le prix facial et le prix réel, sans qu’aucune information ne soit accessible. Tous les résultats des transactions entre fabricants et organismes payeurs restent confidentiels », souligne Catherine Simonin, secrétaire générale de la Ligue nationale contre le cancer. Tandis que Alain-Michel Ceretti, président de France Assos Santé, en appelle à l’instauration d’un prix du médicament européen, éliminant ainsi tout risque de surenchère entre l’industrie et les États. « Il est temps de renverser les rapports de force. Les règles entre acheteurs et vendeurs qui prévalent dans d’autres secteurs d’activité, sont curieusement inversées sur le marché du médicament », remarque-t-il, vitupérant contre les diktats d’une industrie toute-puissante.
C’est qu’au-delà des prix excessifs qui mettent à mal les comptes de l’assurance maladie et qui, à terme, risquent d’exclure certaines catégories de patients, les associations redoutent une précarisation plus générale de l’accès aux médicaments innovants. Une réalité qui touche les pays du Sud, mais qui est aussi en passe d’atteindre l’Hémisphère nord, indique Nathalie Ernoult, responsable du Plaidoyer à la campagne d'accès aux médicaments essentiels de Médecins sans frontières : « Alors que le prix du médicament est déjà un critère de discrimination, nous observons que les traitements de certaines maladies, comme la tuberculose, ne sont plus développés parce qu’ils répondent à des catégories de malades qui ne sont pas en capacité financière de se les procurer. »
Pour corriger ces dérives et pérenniser un système de santé dans lequel tous les patients pourront s’approprier leur traitement dans les meilleures conditions, les huit associations promettent de continuer à porter « la voix de la société civile ». Dès la rentrée, elles émettront à l’intention des pouvoirs publics, une série de propositions et de pistes de réflexion.
* Aides, France Assos Santé, la ligue nationale contre le cancer, UFC Que Choisir, la revue Prescrire, Universités alliées pour les médicaments essentiels, Médecins du Monde et Médecins sans frontière.