Les cellules de lieu de O’Keefe, les cellules de grille de May-Britt et Edvard Moser, complétées en 1985 par les cellules de direction de la tête découvertes par Jim Rank, de l’université de New York, ont permis de comprendre très précisément le fonctionnement de la mémoire spatiale chez le rat. Mais est ce transposable chez l’homme ? « C’est plus difficile, » reconnaît le Dr Michel Thiebaut De Shotten de l’institut du cerveau et de la moelle épinière, « on ne peut pas enregistrer directement l’activité des neurones. Nous disposons cependant de modèles expérimentaux chez le sujet sain et chez le sujet malade. » Un bon exemple d’observation indirecte réalisée chez le sujet sain est la célèbre expérience menée par les chercheurs de l’University College de Londres chez des chauffeurs de taxi londoniens. Ces derniers subissent un entraînement de deux ans sanctionné par un examen très strict. Une sélection drastique qui en fait des personnes plus douées que la moyenne en ce qui concerne la navigation spatiale. À l’aide de l’IRM structurelle, les auteurs ont noté que les conducteurs de « black cab » avaient un hippocampe postérieur plus développé que la moyenne.
« Les « cartes » à l’intérieur de leurs cerveaux se sont agrandies et la structure de l’hippocampe aussi, » conclut Michel Thiebaut De Shotten. Chez les patients victimes de la maladie d’Alzheimer, la mémoire spatiale et l’orientation sont parmi les premières fonctions à être dégradées. Or, « des mesures anatomiques confirment, chez ces malades, qu’une destruction de ces régions accompagne ces déficits. »
Des preuves supplémentaires pourraient être apportées par des IRM fonctionnelles réalisées pendant une tâche d’orientation dans l’espace. Une expérience difficile à concevoir puisque le sujet doit rester immobile pendant l’examen, bien que le recours à la réalité virtuelle puisse faire sauter cette barrière. Pour ce qui est des pistes de traitement des maladies neurodégénératives, « le travail qui a été récompensé est une base essentielle en science pour espérer traiter le cerveau un jour, sauf qu’on ne sait pas encore comment faire, » regrette Michel Thiebaut De Shotten.