L'accord entre les gouvernements européens n'a eu lieu que mardi dernier, après trois jours d'âpres négociations, ce qui a conduit le président de la République à exprimer son indignation. Mais l'accord est bon, en ce sens qu'il confirme la coopération franco-allemande, qu'il est passé outre les grognements des écologistes et de la gauche, pourtant minoritaires et qu'il instaure un équilibre entre les États et les tendances. Emmanuel Macron n'est pas pour rien dans les solutions trouvées. Il voulait un Français, il a eu une Française, Christine Lagarde, actuellement directrice générale du FMI. Il a fait émerger la Belgique (présidence de la Commission) et l'Espagne (Joseph Borrell, chef de la diplomatie) tandis que le Parlement élisait, pour sa présidence, un Italien qui, étant de gauche, n'appartient pas à la majorité.
On a beaucoup disserté sur l'affaiblissement politique de la chancelière Angela Merkel, mais elle aussi a tenu bon pour que l'Allemagne obtienne la présidence de la Commission. Souvenez-vous du triomphalisme de la droite extrême, en France et en Italie, le soir du résultat des élections européennes : elle était censée démolir l'Union en un tournemain. La droite majoritaire (Parti populaire européen, PPE) a réussi à l'écarter grâce à son poids en suffrages, chose que Marine Le Pen et Matteo Salvini ont enfin comprise à leurs dépens.
Compétence et expérience
On a aussi commenté abondamment les difficultés actuelles de l'Union, un peu comme si ses tracas obéraient sa marche en avant. Il n'en est rien. C'est la tendance pro-européenne qui l'a emporté, bien que les amis de Mme Le Pen soient restés assis pour l'hymne européen, tandis que les Brexiters britanniques lui tournaient carrément le dos. Les faits démontrent que la grossièreté et le recours permanent à l'injure ne diminuent en rien le dynamisme européen, qui reste l'espoir de 500 millions de citoyens du Vieux-Continent. On dénonçait en outre une continuité fatale, assurée par Mme Merkel et par M. Macron. Tous les grands postes, pourtant, ont été renouvelés et confiés à des personnes qui ont à la fois la compétence et l'expérience propres à assurer un Brexit qui ne soit pas dommageable pour l'Union et qui renforce ses liens structurels.
Bien entendu, l'accord des 28 a été décrié un peu partout, y compris en France où gauche et écologistes ne lui trouvent que des défauts parce qu'ils auraient voulu, mais au nom de quoi ?, une présidence pour eux-mêmes. À réfuter ainsi les résultats du suffrage universel, ils finiront par se perdre non seulement dans les excès sémantiques mais aussi dans la marginalisation. Quand ils finissent de dénoncer la complicité entre la chancelière et le président, ils ont des mots peu amènes pour les désignés. Ursula von der Leyen, ancienne ministre allemande la Défense, serait incapable de diriger la Commission, Christine Lagarde serait incompétente parce qu'elle n'a jamais été banquière. Ils feraient mieux de se féliciter de voir deux femmes au pouvoir.