Selon le rapport de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude, bilan 2014, paru le 31 décembre 2015, les fraudes et activités fautives commises par des professionnels de santé, (médecins, chirurgiens, pharmaciens, infirmiers, kinésithérapeutes, ambulanciers) représentent 96,5 millions d’euros de préjudice pour l’assurance maladie. Pour les seuls pharmaciens, le montant des fraudes et activités fautives s’élève à 6,5 millions d’euros en 2014.
La lutte contre la fraude constituant l’une des priorités de la CNAMTS, a ainsi été mise en place en 2014 un outil de détection des professionnels de santé présentant des profils atypiques, l’outil « profileur », qui a permis de dégager d’importants gains de temps et d’accroître l’efficience du ciblage sur les professions concernées.
Toutes les procédures sont mises en œuvre contre les praticiens, des procédures civiles, ordinales, aux procédures pénales.
Les pharmaciens peuvent donc faire l’objet, dans leurs rapports avec les organismes d’assurance maladie (CPAM, RSI, MSA, complémentaires également), de plusieurs types de contentieux obéissant à des règles procédurales, à un objet et surtout une finalité distincte.
Dans la mesure où il est délicat de déterminer quelle action sera choisie par les organismes d’assurance maladie, il est indispensable de ne rien négliger, même si le contrôle apparaît minime au départ.
Le présent guide vise à présenter toutes les procédures*, envisageables à l’encontre du pharmacien par les organismes de sécurité sociale, ayant pour point commun le contrôle de leur activité.
LE PRÉ CONTENTIEUX : LE CONTRÔLE D’ACTIVITÉ
La plupart des contentieux initiés par les caisses d’assurance maladie sont précédés d’un contrôle médical. En cela, le contrôle médical constitue bien un pré contentieux, et il est indispensable que le pharmacien en connaisse les modalités, les tenants et aboutissants, puisque c’est de ce précontentieux que découlera l’éventuel contentieux par la suite. En outre, il est essentiel de savoir que la procédure suivie durant le contrôle d’activité pourra avoir une certaine influence par la suite.
I — OBJET DU CONTRÔLE D’ACTIVITÉ
Le contrôle médical
Le service du contrôle médical est confié à des pharmaciens conseils nationaux, régionaux et praticiens conseil de l’échelon local d’une caisse qui ont notamment pour mission de procéder « auprès des pharmaciens et des distributeurs de produits ou prestations, dans le respect des règles déontologiques, aux contrôles nécessaires en matière de délivrance et de facturation de médicaments, produits ou prestations donnant lieu à remboursement par les caisses d’assurance maladie ou à prise en charge par l’État en application des articles L. 251-2 ou L. 254-1 du Code de l’action sociale et des familles ».
Plus concrètement, le contrôle portera sur l’ensemble des actes réalisés pour une période d’activité donnée, le service médical recherchant si ne sont pas commis les faits suivants :
- Chevauchement d'ordonnances non justifié
- Facturations abusives
- Facturations irrégulières
- Négligence
- Délivrance du conditionnement le moins économique
- Facturations de quantités excessives facturations sans prescription médicale
- Refus de dispensation
- Risque de mésusage du médicament
- Chevauchement d'ordonnances non justifié
- Délivrance de médicaments dans des quantités supérieures à la posologie
- Dispensation de stupéfiants et de substances vénéneuses
- Délivrances de prescriptions stéréotypées
- Délivrances d'associations dangereuses
II — DÉROULEMENT DU CONTRÔLE D’ACTIVITÉ
> IMPORTANT : il est essentiel de conserver une copie de l’ensemble des courriers (ainsi que les enveloppes faisant foi de la date d’envoi ou de réception) adressés par les organismes de Sécurité sociale.
Le contrôle d’activité se déroule, sauf exception, en trois étapes, examinées successivement :
- l’avis donné par le Service médical au début du contrôle d’activité avec communication d’une liste de patients pouvant faire l’objet d’un examen,
- le contrôle proprement dit,
- les résultats du contrôle du Service médical, et l’entretien éventuel à l’issue du contrôle.
A — Le début du contrôle
Lorsque le service médical de la caisse de Sécurité sociale entend procéder à un contrôle de l’activité d’un pharmacien, il en avise ce dernier par courrier RAR.
B — Le contrôle d’activité
Le contrôle d’activité lui-même n’est soumis à aucune condition de délai, et peut donc s’étaler sur plusieurs semaines, voire des mois. Le service médical analyse les éléments détenus par les organismes de sécurité sociale, mais également sur ceux fournis par le praticien. À cet égard, le Service médical est en droit de demander au praticien l’ensemble des documents relatifs à la période d’activité examinée.
> CONSEIL PRATIQUE : le pharmacien doit s’attacher à produire tout ce qui est sollicité du Service médical, mais n’a pas forcément intérêt à fournir davantage d’éléments qui pourraient venir remettre en cause la régularité d’un acte fourni.
Les pharmaciens conseils du service médical, ainsi que les personnes placées sous leur autorité, n’ont accès aux données à caractère personnel que si elles sont strictement nécessaires, dans le respect du secret médical [1].
C — L’issue du contrôle d’activité
Si une absence d’anomalies est constatée par le Service médical, le pharmacien en est avisé, et cela met un terme à la procédure. En cas d’anomalie constatée, et c’est plus généralement le cas, le Service médical informe la CPAM des irrégularités constatées.
1. la notification des griefs
À l’issue de cette analyse, le service du contrôle médical informe le professionnel concerné de ses conclusions. Lorsque le service du contrôle médical constate le non-respect de règles législatives, réglementaires ou conventionnelles régissant la couverture des prestations à la charge des organismes de Sécurité sociale, il en avise la caisse. La caisse notifie alors au professionnel les griefs retenus à son encontre, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Dans le délai d'un mois qui suit la notification des griefs, l'intéressé peut demander à être entendu par le service du contrôle médical [2].
2. la demande d’entretien
La demande d’entretien [3] présente un double intérêt : non seulement elle permet de retarder le début des procédures contentieuses (ce qui présente un intérêt au regard de la prescription de trois ans en matière d’action en récupération d’indu), mais en outre et surtout permet au praticien de s’expliquer. Un tel entretien est justifié par les principes de respect du contradictoire et des droits de la défense. Cela explique donc que le service du contrôle médical communique l’ensemble des éléments nécessaires à la préparation et à l’entretien, comportant une liste des faits reprochés et l’identité des patients concernés [4].
> CONSEIL PRATIQUE : accepter bien entendu l’entretien proposé, sinon le délai de trois mois imparti par l’organisme de Sécurité sociale pour faire connaître les suites qu’elle envisage de donner aux griefs, au-delà duquel elle sera réputée avoir renoncé à poursuivre le médecin, courra à l’expiration de ce délai d’un mois [5].
C’est à ce stade que la procédure de contrôle prend un caractère réellement contradictoire, et le pharmacien doit donc veiller à ne pas négliger cette étape.
> CONSEIL PRATIQUE : le pharmacien a la faculté de faire des observations pour chacun des griefs qui lui sont faits. À ce stade, il est indispensable de reprendre pour chaque grief, l’ensemble des anomalies retenues, et de fournir (si possible) des explications responsives détaillées. Il est en outre indispensable de répondre à tous les griefs invoqués, même ceux qui pourraient être d’ordre général.
3. L’entretien à l’issue du contrôle d’activité
Cet entretien constitue le moment où le praticien peut s’expliquer sur les griefs qui lui ont été notifiés. Il sera basé sur les conclusions du contrôle d’activité, mais également sur les remarques responsives du praticien, d’où la nécessité de faire les observations les plus complètes et précises possibles. Lors de l’entretien, le pharmacien peut se faire assister par un membre de sa profession [6].
> CONSEIL PRATIQUE : le pharmacien a tout intérêt à se faire assister par l’un de ses confrères, soit membre d’un syndicat, soit même un confrère pourvu ainsi d’une certaine autorité ; il est au préalable indispensable d’avoir soumis à ce confrère l’ensemble des griefs afin qu’il puisse vous assister et vous défendre au mieux.
4. Le compte rendu d’entretien
Cet entretien fait l’objet d’un compte rendu qui sera adressé au pharmacien, par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de 15 jours. À compter de sa réception, le professionnel de santé dispose alors d’un délai de 15 jours pour renvoyer ce compte rendu signé, accompagné d’éventuelles réserves. À défaut, il est réputé approuvé.
> CONSEIL PRATIQUE : le pharmacien a tout intérêt, là encore, à renvoyer ce compte rendu signé, à confirmer qu’il maintient ses observations responsives à chacun des griefs, et éventuellement si l’entretien a révélé des problématiques plus générales ou récurrentes contestées par le Service médical, à y répondre avec la plus grande attention.
5. L’avis donné par l’organisme de Sécurité sociale quant aux suites envisagées
À l’expiration du délai de 15 jours de la réception du compte rendu d’entretien, l’organisme de sécurité sociale dispose d’un délai de trois mois pour faire connaître au Pharmacien les suites qu’il entend donner aux griefs initialement notifiés. À défaut, l’organisme de sécurité sociale sera réputé avoir renoncé à poursuivre le pharmacien contrôlé [7].
Il convient toutefois de prendre avec précaution cette disposition : elle ne peut être opposée que dans le cadre d’une action en récupération d’indu, mais en aucun cas dans le cadre d’une plainte.
* À l’exception toutefois d’une action intentée devant le tribunal correctionnel pour fraude ou abus particulièrement caractérisés.
[1] L 315-1 V
[2] R 315-1-2 du CSS
[3] R 315-1-2 du CSS
[4] D 315-2 du CSS
5] D 315-3 du CSS
[6] D 315-1 du Code de la Sécurité sociale
[7] Article D 315-3 du Code de la Sécurité sociale.