Samedi 25 mars, les chefs d’État et de gouvernement des « 28 » se retrouveront à Rome pour célébrer le 60e anniversaire des traités fondateurs de l’Europe, signés le 25 mars 1957 au Capitole par la France, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas.
À l’origine, la santé ne constituait qu’un domaine assez secondaire de la politique européenne, même si le traité de Rome dispose que toute action menée par ce qui est alors la CEE doit tenir compte de la protection de la santé avant d’être lancée. C’est notamment pour cette raison que la Communauté obtiendra très tôt des compétences dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. Dès 1965, les « 6 » s’accordent sur une définition commune du médicament, point de départ d’une politique européenne dans ce domaine : après les rapprochements entre les législations, elle aboutira à l’élaboration, près de trente ans plus tard, des premières AMM européennes et concerne aujourd’hui tous les aspects scientifiques et industriels de la politique du médicament… hormis ses volets économiques qui restent largement du domaine des États membres. Autre pilier de la politique de santé en Europe, la « reconnaissance mutuelle » des diplômes, qui concerne les pharmaciens depuis 1985, et qui a débouché, depuis, sur une harmonisation des études et des spécialisations.
Enfin, depuis les années 2000, la « santé transfrontalière » a été considérablement facilitée par la mise en place de mesures permettant aux patients de se faire soigner et rembourser, sous certaines conditions, dans tous les États membres de l’Union, sur la même base financière que dans leur pays d’origine.
La Direction générale de la Santé, au sein de la Commission, mène de nombreuses actions en matière de promotion de la santé et de prévention ; elle définit des priorités et prépare des budgets consacrés à la recherche. Ses programmes portent aussi bien sur le renforcement de la sécurité sanitaire que sur certaines maladies rares, ainsi que sur des grands thèmes comme le vieillissement, la santé mentale, les déterminants sociaux, la santé des migrants ou l’excellence et la résilience des systèmes de santé.
Protection de la santé contre libre circulation
Ainsi, les pharmaciens n’auraient finalement guère de raison de s’inquiéter de la construction européenne… si celle-ci, depuis une quinzaine d’années, ne remettait pas en cause certains aspects fondamentaux de leur mode d’exercice, au nom d’impératifs n’ayant rien à voir avec la santé. D’inspiration fortement libérale, la Commission européenne considère en effet que les réglementations qui encadrent l’exercice d’un certain nombre de professions, dont la pharmacie, s’opposent aux principes de libre circulation des personnes, des services et des biens, qui constituent la base de la politique européenne. Les pharmaciens n’ont pas oublié les procédures juridiques lancées, via la Cour de Justice européenne, contre plusieurs pays, dont la France, au motif que le monopole pharmaceutique, la répartition et la non-ouverture du capital contredisaient ces principes. En 2009, la Cour a finalement estimé que, même si ces règles contredisent effectivement la libre circulation, elles visaient à garantir un fonctionnement optimal des pharmacies et contribuaient donc, de ce fait, à la protection de la santé, garantie elle aussi par les traités.
De même, c’est la justice européenne qui a enjoint les pays qui interdisaient les ventes par correspondance à les autoriser, d’abord uniquement pour les OTC puis, plus récemment en Allemagne, pour les prescriptions vendues depuis l’étranger… en fonction cette fois d’arguments beaucoup plus économiques que sanitaires.
Méfiance et scepticisme
Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que le scepticisme des pharmaciens n’ait cessé de se s’aggraver ces dernières années vis-à-vis de l’Europe. À l’heure où une grande partie de l’opinion publique lui reproche ses orientations trop libérales, les pharmaciens sont en première ligne pour en ressentir les effets concrets dans leur pratique.
Et il n’est pas sûr qu’un énième plan de relance et de coopération européenne parvienne à dissiper leur méfiance, si les politiques menées concrètement ne répondent pas à leurs préoccupations face à l’avenir.