« NOUS, assurance-maladie, sommes prêts », lance Frédéric van Roekeghem, à l’occasion de la conférence inaugurale du salon Pharmagora, le week-end dernier. Le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (UNCAM) souhaite conclure au plus vite les négociations avec les pharmaciens sur l’honoraire, le suivi des asthmatiques et les objectifs de substitution génériques pour 2014. En effet, il se verrait bien signer les avenants avant la fin du mois d’avril. En particulier en ce qui concerne la nouvelle rémunération. « C’est une réforme importante, indique Frédéric van Roekeghem, car l’objectif est de modifier la marge pour transformer la rémunération et la rendre plus dépendante des services aux patients. » « Si l’on veut que la réforme intervienne en 2015, il faut signer dans la deuxième quinzaine d’avril au plus tard », prévient-il.
La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) n’aurait rien contre et se dit prête à signer, sous certaines conditions. « L’assemblée générale de la FSPF a mandaté le président pour signer cet avenant, sous réserve que les textes réglementaires qui accompagnent la réforme de la rémunération soient conformes », explique Philippe Besset, vice-président de la FSPF (« le Quotidien » du 31 mars).
Stabiliser le réseau.
En revanche, les deux autres syndicats ne sont pas décidés à parapher le texte. « Les étapes sont franchies trop vite et ne permettent pas de retour », s’inquiète ainsi Michel Caillaud. Le président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) souligne également que toutes les officines ne seront pas gagnantes et que les 84 % qui le seraient ne verraient pas leurs revenus suffisamment améliorés pour permettre une stabilisation de l’économie de leur entreprise. Pour lui, introduire un honoraire à la boîte n’est pas le bon schéma, l’élément stable étant le nombre d’ordonnances.
Si un honoraire à l’ordonnance avait été préféré, les officines de centre commercial, qui délivrent beaucoup de petites prescriptions, auraient été avantagées par rapport à celles qui possèdent davantage de patients lourds dotés d’ordonnances complexes, explique en substance Frédéric van Roekeghem. Cette option « ne stabilisait pas le réseau », affirme le directeur général de l’UNCAM. Selon lui, « la question de fond est : doit-on laisser la totalité de la marge liée au médicament alors que les prix vont diminuer ? C’est dans l’intérêt de la profession d’évoluer vers un autre modèle économique ».
Des risques.
Pas de quoi convaincre Gilles Bonnefond qui continue d’affirmer que la réforme envisagée « n’est pas bonne ». « Cette étape ne nous met pas sur les bons rails et ne nous amène pas de solution durable », affirme le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Et, il en est persuadé, cette réforme « ne protège pas des futures baisses de prix ».
« Ne rien bouger serait le moyen le plus simple pour l’État de faire des économies », rétorque le président de la FSPF, Philippe Gaertner. « Si on ne fait rien, on ne sauve personne », ajoute-t-il, tout en reconnaissant que le nouveau mode de rémunération est encore trop lié aux volumes de médicaments dispensés.
Certes, mais pour Gilles Bonnefond, la méthode retenue ne permettra pas aux pharmaciens de s’en sortir économiquement. Au contraire, elle pourrait précipiter leur perte en cas d’augmentation de la taille des conditionnements des spécialités dont le prix est inférieur à 1,81 euro et pour lesquelles la réforme permettait un gain de marge. C’est le cas notamment du paracétamol pour lequel des boîtes de 32 ou de 90 comprimés existent dans certains pays. Un risque jugé faible par la FSPF, les autorités de santé n’étant pas prêtes à revoir la taille des conditionnements du paracétamol, soucieuse de ne pas favoriser les tentatives d’autolyse. De même, assure Philippe Besset, la question de son déremboursement, qui pourrait également entraîner une perte de marge importante avec la nouvelle réforme, n’est pas à l’ordre du jour.
Le jeu de la concurrence.
Mais pour Gilles Bonnefond surtout, il existe un risque plus important, celui d’une concurrence accrue entre pharmacies. En effet, explique-t-il, certains confrères seront tentés de déduire l’honoraire d’un euro en cas de vente sans ordonnance, ou sur Internet. D’ailleurs, ils n’auront peut-être pas le choix car, augure le président de l’USPO, la DGCCRF* ne tardera pas à décréter que sans prescription, il ne peut y avoir d’honoraire de dispensation. Et dans ce cas, la marge du pharmacien sera nulle. Consciente du problème, la FSPF souhaite que le futur arrêté de marge prévoie que l’honoraire à la boîte soit considéré comme un honoraire conventionnel en cas de délivrance d’une ordonnance, ou représente un forfait à la boîte majoré en cas de vente directe au patient. Dans un cas comme dans l’autre, le prix du médicament restera donc identique. De toute façon, souligne Philippe Besset, la concurrence peut déjà s’opérer, le prix inscrit sur la vignette étant un prix maximum à appliquer. Mais Gilles Bonnefond a pris sa décision : il ne signera pas l’avenant rémunération. Il a d’ailleurs reçu mandat en ce sens de son assemblée générale. Et même davantage : « j’ai un mandat pour le combattre », insiste-t-il.
Quoi qu’il en soit, malgré les réserves de l’UNPF et de l’USPO, la machine semble bel et bien enclenchée et la FSPF, syndicat majoritaire, pourrait signer seule avec l’assurance-maladie.