Acteurs essentiels de la réponse immunitaire contre les virus et les parasites, les lymphocytes T nous protègent de façon imparfaite contre les cellules tumorales.
De fait, la majorité des antigènes présentés par ces dernières nous appartiennent et sont donc tolérés. Par ailleurs, les tumeurs créent autour d’elles un environnement qui les protège du rejet immunitaire. « Pendant longtemps, les immunologistes classiques ont cherché à induire des réponses naturelles du système immunitaire par la vaccination. L’approche a été construite sur la base de l’ingénierie des lymphocytes T et, en particulier, sur l’utilisation de récepteurs chimériques : les CARs (pour chimeric antigen receptors) », indique le Pr Michel Sadelain, chef du laboratoire de transfert de gènes et d’expression génétique au Memorial Sloan Kettering Cancer Center (MSKCC) à New York.
Rémission complète
Concrètement, des lymphocytes T sont prélevés au patient puis modifiés génétiquement in vitro de manière à leur faire exprimer un récepteur chimérique. Les « CAR-T cells » obtenues sont ensuite réinjectées au patient. « La partie extra-cellulaire du récepteur chimérique reconnaît un antigène tumoral très spécifique, ce qui permet de cibler les cellules tumorales. Pour augmenter la performance fonctionnelle des lymphocytes T, nous avons également introduit plusieurs fonctions dans une seule molécule, codée par un seul gène. C’est ce qui a donné lieu à la création de CARs de seconde génération », indique le Pr Sadelain.
Il y a 15 ans, l’équipe du Pr Sadelain démontre, chez la souris, l’efficacité thérapeutique des lymphocytes T humains instruits par des CARs ciblant l’antigène CD19 situé sur les lymphcytes B et les cellules tumorales. Pour traduire cette approche dans la clinique, le chercheur a travaillé avec l’équipe d’Isabelle Rivière, directrice de l’unité de thérapie cellulaire et d’ingénierie cellulaire du MSKCC. « Elle a d’abord prélevé des lymphocytes T périphériques de plusieurs patients. Puis, elle y a introduit le gène qui code le CAR et effectué l’expansion des lymphocytes pendant 9 à 10 jours. Nous avons ensuite vérifié que les lymphocytes étaient stériles et que le gène était correctement intégré dans ces cellules. Une fois ce process validé, ces dernières étaient prêtes à être administrées aux patients par voie intraveineuse », note le Pr Sadelain.
Les premières études cliniques ont porté sur la leucémie aiguë lymphoblastique réfractaire. Sur les 53 premiers patients ayant bénéficié de ce médicament cellulaire, 83 % ont eu une rémission complète. La charge tumorale, la composition génétique de la tumeur et les traitements antérieurs n’ont eu aucune incidence sur le résultat. « L’année 2017 a été importante : les deux premières CAR-T cells, basées sur nos travaux, ont été approuvés par la FDA pour certains lymphomes et leucémies pédiatriques Cette recherche devrait évoluer dans les années à venir et bénéficier à d’autres types de cancers », conclut le Pr Sadelain.