SUR LES DOUZE derniers mois, le report sur la ville des prescriptions hospitalières se monte à 5,2 milliards d’euros, selon les chiffres présentés par Marie-Christine Didier, de IMS Health, lors du 6e Forum des Pharmaciens à Bordeaux. « Ces prescriptions hospitalières concernent principalement des patients qui ont consulté en ambulatoire et ont bénéficié d’une prescription initiale à l’hôpital, ou qui font exécuter en ville leur ordonnance de sortie », précise Marie-Christine Didier.
Ce glissement vers la ville d’une partie des prescriptions hospitalières tire vers le haut le marché officinal. En effet, alors que le marché global du médicament prescrit évolue peu (28,2 milliards d’euros, à septembre 2010), ses composantes ont des tendances très différentes : les prescriptions des généralistes (18 milliards) accusent une baisse de -2 %, celles des spécialistes (4,8 milliards) progressent faiblement de +1,6 %, tandis que les prescriptions hospitalières (5,2 milliards) explosent à +8,1 %.
Nouveau rôle de l’hôpital.
On le voit, les prescriptions hospitalières dépassent celles des spécialistes libéraux qui évoluent très diversement selon les spécialités*. À cela plusieurs raisons :
- le prix plus élevé des produits prescrits,
- le passage en ville accéléré des produits autrefois réservés à l’hôpital,
- le changement de rôle de l’hôpital : davantage de soins dispensés en ambulatoire, des hospitalisations plus courtes avec grosse ordonnance de sortie et lourde prise en charge à domicile ; un recours accru des patients aux urgences pour des soins primaires (désertification médicale).
La hausse des prescriptions hospitalières délivrées en ville impacte de façon très variable l’économie des officines. En effet, toutes ne délivrent pas autant d’ordonnances hospitalières. Les officines des grandes villes, avec de nombreux établissements hospitaliers, en délivrent davantage que les officines rurales ; avec, pour conséquence, la hausse de leur chiffre d’affaires et de leur marge (en valeur) et une légère baisse de marge (en pourcentage).
Des officines spécialisées ?
« Le développement de ce marché peut favoriser les écarts et les déséquilibres entre officines », souligne Marie-Christine Didier. En effet, la délivrance d’ordonnances hospitalières implique un personnel formé, des espaces de confidentialité, un approvisionnement spécifique et une bonne coordination (réseau ville-hôpital) avec les prescripteurs. Aussi, verra-t-on peut-être demain, des officines se spécialiser dans la délivrance d’ordonnances hospitalières et le suivi de certaines pathologies (VIH, toxicomanie, cancers…), et d’autres les refuser.
Reste à régler l’épineuse question du système de rémunération des nouvelles missions de l’officine… Et celle du transfert des financements correspondant au transfert de prescriptions de l’hôpital vers la ville : « Les ARS pourront-elles coordonner la médecine hospitalière et la médecine de ville en fusionnant les enveloppes budgétaires, de manière à ce que la croissance des dépenses de santé en ville ne soit pas toujours imputée aux libéraux ? », s’interroge Marie-Christine Didier. L’avenir le dira.
D’après une conférence lors du Forum des pharmaciens à Bordeaux.