Plus encore que l'économie de l'officine, ce sont les missions de professionnel de santé qui occupent l'esprit des pharmaciens. C'est ce que révèlent les résultats de la Grande consultation présentés au Congrès national des pharmaciens, à Nantes, le 23 octobre dernier.
Sur plus de 1 500 contributions, dont 1 400 exploitables, les confrères ont placé le patient au cœur de leurs préoccupations en axant leurs réponses sur son suivi et son accompagnement. Et de citer les entretiens pharmaceutiques, la préparation des doses à administrer (PDA) en ambulatoire, le portage à domicile médicalement justifié, la vaccination - bien qu'il y ait une distinction entre ceux qui sont favorables au geste vaccinal et ceux qui préfèrent proposer ce service dans leur officine en recrutant une infirmière - le rôle de coordination dans le virage ambulatoire et l'interprofessionnalité… « L'évolution de notre métier va dans le bon sens si nous sommes en adéquation avec les attentes des patients », relève Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Encore faut-il que les professionnels de santé libéraux « prennent la responsabilité de la prise en charge coordonnée des patients et que les politiques reconnaissent ce travail de coordination », ajoute-t-il. Le président de la FSPF invite les pharmaciens à être « proactifs » et à rencontrer les médecins et autres soignants de leur secteur.
Liberté des prix
Second thème ayant suscité le plus de réactions : l'économie de l'officine. À la satisfaction de la Fédération, les pharmaciens plébiscitent la déconnexion des prix et volumes pour leur rémunération. C'est tout l'intérêt de l'honoraire de dispensation, qui représente désormais 53 % de la rémunération. « La Fédération a porté seule, et j'espère que par la suite on pourra la porter à plusieurs, l'évolution du mode de rémunération. Sans la Fédération aujourd'hui il n'y aurait pas d'honoraire. Il faut continuer à se détacher du prix et des volumes car cela va dans la logique du pharmacien professionnel de santé entériné par les législateurs. Et il faut piloter l'autre partie de la rémunération par le biais de la convention cadre qui est la fixation du prix industriel du médicament », note Philippe Gaertner. Les pharmaciens aimeraient aussi un encadrement des prix de la LPP et des produits d'automédication. La FSPF reste prudente face à la vision européenne de liberté des prix. D'autant que, comme le souligne son président, on reproche régulièrement aux pharmacies à la fois une absence de concurrence et des différentiels de prix allant de 1 à 3… « C'est un sujet qui se discute et qui relève de la décision publique. Le médicament est un produit suffisamment particulier pour mériter un traitement permettant un accès à tous dans un cadre régulé. » Une égalité d'accès mise à mal dans certains programmes politiques repérés par la FSPF, qui proposent une baisse de prise en charge dont l'impact sur le médicament ne fait aucun doute. « Attention à la petite officine rurale qui ne peut acheter groupé pour pouvoir proposer un prix juste, je défends donc la rétrocession tant que les pharmaciens n'ont pas les dispositifs permettant d'acheter à bas prix. »
Répartition et proximité
Les relations avec l'assurance-maladie et les complémentaires santé sont le 3e thème mis en avant dans la grande consultation. Les confrères souhaitent une harmonisation et une simplification des cartes de mutuelle, la consultation et la mise à jour des droits en temps réel, avoir un interlocuteur unique que ce soit pour le régime obligatoire ou complémentaire et une rémunération pour le travail administratif imposé. Concernant l'organisation du réseau, les pharmaciens réclament des moyens pour se restructurer, notamment des outils fiscaux, que ce soit pour les regroupements ou les départs à la retraite. « L'une des grandes forces de la pharmacie d'officine est sa répartition territoriale, sa proximité dans tous les territoires, qu'il faut garantir, y compris dans les zones de sous-densité médicale. Nous sommes en attente du rapport IGF/IGAS, qui vient d'arriver sur le bureau de Marisol Touraine », rappelle Philippe Gaertner. Et pour le moment, il semble qu'aucune information n'a filtré sur son contenu. Il reste en revanche prudent sur l'idée de créer des officines mère-fille, rappelant son attachement à l'exercice personnel, « ce qu'il est difficile de faire à deux endroits en même temps ».
Du côté de la formation, les pharmaciens doutent du bien-fondé de la PACES, imaginant même sa suppression, tout en réclamant une réforme des études dans lesquelles ils aimeraient voir s'intégrer les diplômes universitaires dits indispensables. Alors que l'ancien président de la Conférence des doyens, Dominique Porquet, vient de recevoir une lettre de mission sur le 3e cycle des études médicales, Philippe Gaertner rappelle son souhait d'un « modèle d'internat pour tous » concernant les professions de chirurgiens-dentistes, médecins et pharmaciens. Quant au diplôme de préparateur, il aimerait le voir s'élever à la licence professionnelle, un niveau de qualification que doit avoir « celui qui seconde le pharmacien ». Enfin sur les nouvelles technologies, les pharmaciens souhaitent avoir un rôle pivot dans la télémédecine et la e-consultation, ils réclament la dématérialisation et la sécurisation des ordonnances, l'accès à une messagerie sécurisée, ainsi qu'une labellisation des objets connectés par la Haute autorité de santé (HAS).