Comme la France, l’Allemagne prépare depuis plusieurs années la mise en place des ordonnances électroniques et des dossiers médicaux numériques… dont elle repousse régulièrement l’avènement pour des raisons techniques ou plus politiques, liées notamment à la sécurité et la confidentialité. Le nouveau gouvernement fait maintenant de ces dossiers une priorité et assure que les premiers dossiers numériques de patients – l’équivalent de nos DMP — verront le jour à la fin de l’année, tandis que l’arrivée des ordonnances électroniques est prévue pour 2019.
Le forum économique des pharmaciens allemands, qui vient de se tenir à Berlin, a été largement consacré aux atouts et aux conséquences de la santé numérique pour les pharmaciens. Le dossier numérique du patient comprendra les prescriptions, mais les pharmaciens souhaiteraient pouvoir jouer un rôle plus important en matière de suivi et de sécurité, et réclament donc d’être mieux associés à son fonctionnement.
Mais la santé numérique va bien plus loin que ces dossiers, a rappelé le vice président du syndicat des pharmaciens, Hans-Peter Hubmann : « la mise en réseau des officines avec l’ensemble du monde de la pharmacie et de la santé accélérera les process et les échanges, renforcera la qualité de l’expertise et du conseil et améliorera la sécurité des délivrances, tout en individualisant les services rendus au patient », estime-t-il. Il appelle les pharmaciens à voir dans la numérisation des instruments de soutien pratiques et efficaces, sous réserve que ces derniers sachent les utiliser efficacement et dans l’intérêt du patient.
Avantages et risques de la numérisation
Les patients, justement, attendent d’être mieux informés sur les avantages et les risques de la numérisation, notamment par rapport à la collecte de données et au « big data », sujets qui interrogent particulièrement leurs associations venues participer aux débats. « Les patients ne comprennent pas toujours que des données de santé qui fuitent ailleurs, cela peut signifier un jour pour eux des primes d’assurances plus élevées ou un refus de crédit », explique l’une d’entre elles. À l’inverse, répond M. Hubmann, les patients ont souvent des comportements illogiques face à leurs propres données : « Ils vont refuser le stockage de certains résultats biologiques anonymisés, mais n’hésiteront pas à donner leur nom et leur adresse pour avoir quelques points de plus sur une carte de fidélité lorsqu’ils achètent du Viagra en ligne. »
Mais si le « big data » fascine et fait peur à la fois, il peut servir non seulement à la recherche médicale, mais aussi aux officines elles-mêmes, comme l’a rappelé Frank Wartenberg, président pour l’Europe centrale de la société IQVIA (ex IMS Health) : « Plus de la moitié des études cliniques menées en Europe prennent du retard ou doivent être refaites par manque de candidats répondant aux critères exigés par les essais cliniques, explique-t-il : grâce à de bons recueils de données, nous pouvons justement réduire le nombre de personnes nécessaires, mais aussi trouver les candidats adaptés à des études de plus en plus complexes. » Au niveau de l’officine, les échanges de données permettent d’affiner les stratégies et les actions de chaque pharmacie. En Allemagne, plus de 4 000 pharmaciens travaillent avec IQVIA qui leur fournit, dans ce cadre, des éléments précis pour améliorer leur activité.