ALORS QUE la création d’une salle de shoot à Paris a été annulée par le Conseil d’état en octobre 2013, il semblerait que le gouvernement envisage de relancer l’idée. En effet, dans un avant-projet de loi, le ministère de la Santé prévoit de mener une expérimentation de « salle de consommation de drogue à moindre risque », pour une durée de six ans. Une proposition qui ne semble pas recueillir l’adhésion de tous les Français. Pour mieux analyser la situation de la France, Pierre Chappard et Jean-Pierre Couteron publient le livre « Salle de shoot. Les salles d’injection supervisée à l’heure du débat français ». Les auteurs reviennent sur l’histoire de la politique française face à la toxicomanie, qui oscille depuis les années 1970 entre des mesures de répression de l’usage de drogue et de réduction des risques. Ils rappellent que c’est avec l’émergence du Sida au début des années 1980 - qui se traduit par une hécatombe chez les toxicomanes s’injectant des drogues - que la France amorce une politique de réduction des risques chez les toxicomanes : en autorisant l’accès aux seringues, à la méthadone puis au Subutex.
Aujourd’hui, il reste à savoir si les salles de shoot, qui représentent une option de réduction des risques parmi d’autres, seront une solution adoptée dans l’Hexagone. Les auteurs, militant pour instaurer ce nouveau concept, abordent également les politiques menées dans d’autres pays et dressent le bilan de salles d’injection existantes à l’étranger (une centaine, dont 95 % en Europe). « Nous espérons que de telles salles pourront être créées en France fin 2015 – début 2016 si la loi le permet », avance Pierre Chappard, lors d’un débat sur la question. Un souhait assez critiqué dans la salle, le public redoutant l’impact de tels lieux de consommation sur le voisinage, sur les adolescents… Pour Jean Lamarche, pharmacien et président de Croix Verte et Ruban Rouge, la création de lieux dédiés à l’injection n’est pas souhaitable pour une autre raison : « en tant que pharmacien, cela consiste à donner aux toxicomanes de l’héroïne non contrôlée, dont on ne connaît pas la provenance ni la dangerosité, avec les risques qui en découlent », avance-t-il.
Les auteurs rappellent le principe de ces salles. « Elles consistent dans un premier temps à mettre l’usager (en général issu d’un milieu très précaire, SDF) en lien avec différents professionnels de santé et du travail social. Ensuite, dans un deuxième temps, l’usager rencontre un professionnel de santé qui lui fournit les outils nécessaires pour consommer. Après s’être lavé les mains, l’usager dispose d’un temps défini (30 minutes) pour consommer sous l’œil du professionnel qui peut le conseiller sur les règles à respecter afin de réduire les risques », explique Jean-Pierre Couteron.