Le constat est partout le même, quels que soient les pays : les États, les services publics, les corps constitués, qu’ils soient médicaux ou d’un autre domaine, peinent à être innovants. Pour expliquer ce phénomène, Benoît Thieulin cite le dossier médical partagé, ou DMP, dont le projet a été lancé en 2004 par l’assurance-maladie. Le temps écoulé a permis de faire « le tour de toutes les parties prenantes, les associations de patients, les médecins, les pharmaciens, les chercheurs, les politiques, mais pas trop les informaticiens, c’est peut-être d’ailleurs le problème », remarque-t-il.
Aujourd’hui, Nicolas Revel, directeur de l’assurance-maladie, se donne deux ans pour qu’il voit effectivement le jour. Le 6 octobre, il a annoncé que ce « carnet de santé numérique » sera déployé progressivement jusqu’à la fin de l’année 2017. Un développement de plus de 10 ans est pour le moins peu compétitif. « Et la France n’est pas particulièrement mauvaise. En Angleterre, l’équivalent a coûté cinq fois plus cher et a été arrêté. » Pourquoi ? Pour de bonnes raisons ! « Comme on sait qu’on ne va pas faire un dossier médical partagé tous les six mois, on veut qu’il soit bien et on réfléchit beaucoup pour y mettre tout ce qu’on veut. Mais au final, il y a tellement de conditions, de contraintes, d’exceptions, que lorsque le projet arrive entre les mains d’une société de développement informatique, elle constate que ce n’est pas développable. À l’image d’une tour avec tellement de fonctionnalités que l’architecte ne peut la construire, sinon elle s’effondre. » Alors que les États peinent à sortir un carnet de santé numérique, Apple ne demande l’avis de personne et lance ses projets à grande vitesse, notamment son application iHealth, couplée à sa montre iWatch, développée en deux ans, et son HealthBook pour « centraliser toutes ses données santé, comme un vrai carnet de santé connecté ».