Le Quotidien du Pharmacien. – Quelles sont les priorités de votre nouveau mandat de président de la FSPF ?
Philippe Gaertner. – Trois thèmes essentiels occuperont les trois années qui viennent. D’abord, la négociation d’une nouvelle convention avec l’assurance-maladie, qui comprendra des enjeux économiques et pour l’exercice de la profession. Ensuite, il s’agira de définir avec les prochaines équipes au pouvoir après l’élection présidentielle de 2017, leur vision de la place du pharmacien dans notre société. Enfin, ce mandat sera aussi celui de la passation, car je ne briguerai pas de cinquième mandat. Mon objectif est donc de transmettre à mon successeur une Fédération aux statuts rénovés, en pleine capacité de ses moyens, pour s’adapter aux évolutions de la société. Autrement dit, je veux tout faire pour donner les moyens au prochain président de la FSPF d’entrer directement dans l’action.
Plus largement, mon programme repose sur 25 points, dont l’un porte naturellement sur l’économie et la poursuite du changement du mode de rémunération du pharmacien.
Vous comptez donc ne pas céder aux critiques et aller encore plus loin sur les honoraires ?
Je souhaite en effet continuer sur cette voie pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés à la Fédération : détacher de plus en plus la rémunération du pharmacien du prix industriel et des volumes. C’est un principe fondateur de l’évolution du métier vers un pharmacien plus professionnel de santé. Toutefois, les nouvelles évolutions seront le fruit de la négociation. Pour ma part, je reste favorable à la mise en place d’un honoraire à l’ordonnance. Une évolution qui fait d’ailleurs consensus au sein des organisations syndicales et sur laquelle nous trouverons, je l’espère, un accord. Nous souhaitons aussi le développement de prises en charge d’actes pharmaceutiques, telles les interventions pharmaceutiques, ou les accompagnements de patients particuliers. Ces prises en charge pourraient prendre la forme de paiement à l’acte ou de rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP). Parallèlement, il faudra aussi réfléchir à de nouvelles modalités de paiement qui ne pourront pas rester des règlements différés.
L’honoraire à l’ordonnance a-t-il vocation à se substituer à l’honoraire de dispensation ?
Non, ils se compléteront. L’honoraire à la boîte a déjà permis d’atténuer l’impact des baisses de prix sur les médicaments, mais en partie seulement. Aujourd’hui, plus de la moitié de la rémunération de l’officine sur le médicament remboursable ne repose plus sur une marge commerciale, si l’on cumule l’ensemble des honoraires et les ROSP. Certes, l’honoraire de dispensation n’est pas parfait, mais il n’était pas possible de basculer une part aussi importante de la rémunération sur le seul honoraire à l’ordonnance, car son impact est trop diversifié sur le réseau.
Malgré le changement de mode de rémunération, de nombreuses pharmacies rencontrent des difficultés économiques. Où en est le plan d’urgence que vous appeliez de vos vœux ?
Toujours au point mort malheureusement. Nous sommes intervenus de nouveau auprès des services de l’État car nous ne pouvons pas attendre la prochaine négociation conventionnelle compte tenu des conséquences importantes des baisses de prix sur l’économie. Les prochaines conclusions de l’observatoire sur la rémunération sont attendues pour le 30 mars. Nous relancerons un certain nombre de propositions et notamment celle visant à étendre l’honoraire complexe aux ordonnances des patients en ALD, pour donner une bouffée d’oxygène aux pharmacies les plus touchées par les baisses de prix, celles qui délivrent principalement des traitements chroniques.
Au-delà des honoraires, vous envisagez d’autres pistes pour relancer l’économie officinale ?
Nous réfléchissons également à un nouveau modèle économique permettant de rééquilibrer la part de la rémunération liée à la dispensation « classique », c’est-à-dire de princeps hors répertoire, par rapport à celle liée à la délivrance de génériques.
Il existe aussi des éléments de notre exercice professionnel qui sont porteurs de croissance. Je pense notamment à tout ce qui concerne l’amélioration de l’observance, l’adhésion des patients au traitement, l’iatrogénie médicamenteuse chez les personnes âgées, ou encore l’accompagnement des malades au travers des entretiens pharmaceutiques. Demain, la croissance ne viendra pas de la dispensation. De même, il faut aller de l’avant dans le domaine de l’automédication. Nous devons définir avec les politiques, et j’espère les industriels, une vision partagée de cette pratique. Aujourd’hui, certains industriels ont fait des choix qui ne sont pas les bons pour les patients et le médicament, comme le développement de marques dites « ombrelles ». Le déremboursement de spécialités pour venir gonfler ce marché n’est pas non plus une bonne chose, car on ne peut pas demander à des personnes de cotiser à l’assurance-maladie et ne plus prendre en charge des pans entiers de l’arsenal thérapeutique. Les citoyens ne peuvent pas accepter de payer sans jamais rien recevoir et risquent d’être tentés par les systèmes d’assurances privées. Ce qui serait catastrophique. En revanche, nous partageons d’autres propositions avec les industriels, telle que la mise en place d’un taux de TVA unique à 2,1 % pour tous les médicaments.
Au cours de ce mandat, vous souhaitez aussi faire évoluer la formation des pharmaciens et des préparateurs ?
Tout à fait. Ce mandat devra être celui de la refonte du diplôme de préparateur qui devra passer à un niveau licence, c’est-à-dire à un niveau BAC +3. Je continuerai aussi à défendre le principe d’un internat de pharmacie générale pour les officinaux. Il nous faut garder un différentiel avec d’autres professions de santé et rester au même niveau de formation que les médecins et les chirurgiens-dentistes. Demain, dans un contexte de sous-densité médicale, les pouvoirs publics vont certainement chercher des acteurs qui pourront être une porte d’entrée dans le système de soins. Le pharmacien est particulièrement bien placé pour jouer ce rôle. Mais si le cursus pharmaceutique n’évolue pas vers huit années d’études, on risque d’être écarté au profit de professionnels qui auront, eux, renforcé leur formation. Demain, j’en suis sûr, il y aura des infirmières cliniciennes.
Qu’est-ce qui vous a poussé à briguer un quatrième mandat ?
Ma première motivation a été la qualité du travail que nous avons pu mener avec les équipes en interne, que ce soit les membres du bureau national qui m’ont accompagné, les présidents départementaux, ou encore les permanents. Travailler à la Fédération est un véritable bonheur pour moi car tout le monde va dans le même sens.
Ma seconde motivation a été de constater que, certes, un certain nombre de dossiers avancent, mais qu’une partie du chemin reste encore à faire. C’est le cas notamment avec la réforme de la rémunération. Ou encore avec la défense des piliers de l’officine. Il faut toujours rester vigilant. Mais quand on apporte des solutions et que l’on est en permanence force de proposition, comme nous l’avons été jusqu’à maintenant, on justifie d’autant plus facilement ces règles qui servent à la fois à sécuriser l’accès des patients, la qualité de la dispensation et l’indépendance du professionnel. Enfin, j’ai aussi souhaité poursuivre car, dans une période tourmentée, la FSPF a réussi a gardé sa place de premier syndicat représentatif de la profession lors des dernières élections. Cela n’a pas été le cas dans d’autres professions où les organisations qui avaient signé des conventions se sont souvent vues sanctionnées. Il est plus difficile d’être aux affaires que d’être dans la contestation.