L’INDÉPENDANCE PROFESSIONNELLE est inhérente à la profession de pharmacien. Elle est inscrite et reprise dans de très nombreux textes du Code de la Santé publique. Cependant, « l’indépendance n’est pas une fin en soi, mais un objectif qui consiste à assurer la qualité du service et la sécurité du patient », assure Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), lors de la journée de l’Ordre. La Cour européenne de justice a d’ailleurs établi, en 2009, un lien très net entre indépendance et qualité du système de soins. Un constat également repris récemment par Marisol Touraine : « si vous êtes un professionnel de santé, alors vous êtes indépendant, et vous êtes donc dans une démarche de santé publique », déclarait récemment la ministre de la Santé.
Gare aux pressions.
Toutefois, il faut veiller au grain : « s’il est bien beau de tenir ce discours sur l’indépendance, on ne peut occulter le fait qu’il existe des pressions de tous côtés et des évolutions de notre métier amènent à se poser des questions de l’indépendance, notamment avec le développement de l’interprofessionnalité. Et si les pharmaciens perdent leur indépendance, on imagine très bien ce qui pourrait alors se passer », redoute la présidente du CNOP.
Des dispositifs ont été mis en place afin de garantir cette indépendance et d’éviter les conflits d’intérêt : la loi anti-cadeaux (qui interdit de recevoir des avantages sous peine de 2 ans de prison et 75 000 euros d’amende) et la transparence (publication obligatoire des déclarations de liens d’intérêts entre professionnels de santé et industries).
L’indépendance est également garantie par l’interdiction du cumul des mandats, par le droit de refuser la délivrance d’une prescription si l’on estime qu’elle porte atteinte à la santé, et l’interdiction de solliciter la clientèle. Par rapport au mode d’exercice, elle est garantie par le fait que le pharmacien doit être propriétaire de son officine. « Mais l’indépendance professionnelle est aussi une affaire de personne, poursuit Isabelle Adenot. Être pharmacien, c’est avoir le pouvoir de dire oui et de dire non quand il le faut. »
La problématique des pharmaciens salariés.
Bon nombre de pharmaciens exercent en tant que salariés. Leur indépendance importe tout autant, mais les choses peuvent alors être plus complexes. C’est ce que l’Ordre constate notamment dans diverses affaires dans lesquelles on lui demande d’intervenir : un pharmacien responsable dans l’industrie pharmaceutique qui refuse de libérer un lot douteux ou de modifier une date de péremption et qui entre en conflit avec sa direction ; des adjoints en officine qui sont chronométrés pour donner des conseils devant être assortis d’une vente ; des pharmaciens hospitaliers auxquels la direction refuse d’accorder les moyens nécessaires au bon fonctionnement de la pharmacie à usage intérieur ; des biologistes dont tous les achats doivent désormais passer par le GIE des actionnaires sous peine de faute grave ; des pharmaciens délégués dans la répartition pharmaceutique qui sont sommés de distribuer les produits en difficulté d’approvisionnement d’abord aux bons clients, sans se préoccuper des besoins des patients…
Les titulaires aussi concernés.
Les pharmaciens titulaires ne sont pas épargnés par les problèmes d’indépendance. Notamment, les jeunes qui souhaitent s’installer et qui sont approchés par les grossistes répartiteurs, par exemple, afin de financer leur installation. Parfois au prix de leur indépendance… « Les jeunes officinaux qui font appel à ces financeurs extérieurs doivent bien réfléchir avant de signer tout contrat. Prenez conseil, faites appel à l’Ordre en cas de doute. L’Ordre n’est pas là que pour sanctionner, mais aussi pour protéger », assure la présidente du CNOP. À cet effet, la direction juridique de l’Ordre va publier prochainement un document sur la question de l’indépendance, afin que tout pharmacien puisse mieux appréhender toute l’importance de cette notion.