LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Pourquoi avoir constitué un groupe de travail sur la rémunération et le changement de modèle économique de l’officine ?
MICHEL BUCHMANN.- Forte de la diversité qui la caractérise, la FIP a décidé de créer, en juillet dernier, FIP ED (Fip education initiative). Dans l’optique d’aboutir à une réforme globale de la formation des pharmacies, l’objectif de cette initiative ambitieuse est de réunir sur une plate-forme les recteurs des facultés de pharmacie afin de réfléchir au contenu de l’enseignement et à la mission sociale des pharmaciens. Le but n’est pas, bien évidemment, de proposer un modèle unique d’enseignement, mais de mettre en place les constantes et les références auxquelles devront répondre demain les écoles de pharmacies afin de former des praticiens de valeur à mêmes de rendre le service que la société attend d’eux.
Et la rémunération dans tout cela ?
C’est le nerf de la guerre ! Et le constat est unanime pour dire qu’il est urgent de déconnecter cette rémunération de la marge perçue à l’occasion de la vente d’un produit, car cette marge ne rémunère qu’une activité logistique. Or le pharmacien accomplit en plus une mission de professionnel de santé liée à l’usage responsable des médicaments. Il est donc indispensable de penser rémunération lorsqu’on pense éducation. Ce recensement des grandes réformes qui ont été initiées à travers le monde doit permettre d’envisager les structures professionnelles qui correspondront à la pharmacie de demain.
Quel est l’intérêt de mesurer l’impact de réformes récentes ?
Permettez-moi de préciser que toutes ne viennent pas de débuter. Certaines ont déjà plusieurs années d’expérience et sont donc propices à un état des lieux. Et quand bien même, cet état des lieux pourra toujours servir de base de réflexion puisque le groupe doit rendre ses conclusions d’ici à 2015. Nous disposerons donc d’un recul suffisant pour déterminer les éléments fondamentaux qui constitueront la structure d’une rémunération professionnelle en phase avec la réalité du métier de pharmacien. Ou plutôt des réalités, puisque les modèles varieront en fonction des relations des pharmaciens avec le tissu social, et, bien sûr, du système de santé en vigueur.
Deux années suffiront-elles pour mener à bien cette réflexion ?
Il le faudra, car nous n’avons pas le choix ! Mais je suis bien conscient qu’il s’agit d’un véritable challenge. Aussi nous sommes-nous adjoint les services de l’Institut de sciences économiques de l’université de Boston. Nous aurions certes aimé pouvoir travailler avec des universitaires européens, mais cela nous était financièrement impossible…
Et après ?
La suite logique à donner à un tel travail est, bien évidemment, de le diffuser. Mais il n’appartient pas à la FIP d’intervenir dans chacun des pays membres. Ce document de synthèse sera donc à la disposition de qui le souhaitera, et en particulier, en France, de l’Ordre et des syndicats. À charge pour eux, ensuite, d’agir pour faire évoluer le système. Mais je suis confiant, car les Français réfléchissent depuis longtemps déjà à un nouveau modèle.
Ce nouveau modèle pourrait-il se révéler incompatible avec la « non-ouverture » du capital des officines ?
La structure capitalistique n’est en rien un frein à l’évolution de la rémunération des pharmaciens qui pourra aussi bien s’appliquer aux chaînes de pharmacies qu’aux pharmaciens indépendants. D’autant que, en Suisse, au moment où la pharmacie a été réformée, le principe de cette nouvelle rémunération a été inscrit dans la loi. Le seul véritable frein consistera, en revanche, à vaincre les réticences de confrères qui, pour un certain nombre, sont très conservateurs. Mais, bientôt quinze ans après, en Suisse, tous s’accordent à reconnaître le bien-fondé de cette révolution qui, en instaurant un montant fixe et des honoraires pour les prestations classiques, préserve le réseau d’aléas conjoncturels souvent liés aux pressions sur les prix et les volumes de médicaments. Et dans cette optique, le dossier pharmaceutique pourrait fort bien se révéler une source intéressante de revenus.