Les syndicats le souhaitaient, Marisol Touraine l’a fait ! Mardi dernier, lors d’un entretien de près d’une heure avec Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), la ministre de la Santé a en effet annoncé qu’elle était prête à débloquer une enveloppe pour la mise en œuvre de la prochaine convention de la profession avec l’assurance maladie. Elle promet également qu’elle rédigera une lettre d’orientation au directeur général de l’organisme payeur, Nicolas Revel, en vue de la négociation de cette convention.
La ministre « a assuré qu’un accompagnement financier pluriannuel soutiendrait la prochaine convention pharmaceutique », précise le président de l’USPO. Elle a également affirmé « son souhait de voir évoluer la profession afin qu’elle puisse répondre pleinement aux défis du vieillissement de la population et de l’accroissement des pathologies chroniques », mais aussi « souligné le rôle prépondérant de la pharmacie d’officine dans la prévention et le dépistage ». « Nous avons obtenu ce signal car les deux syndicats, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France et l’USPO, ont réussi à s’unir pour présenter des propositions », se félicite Gilles Bonnefond.
Poursuivre la réforme de la rémunération
Toutefois, pour l’heure, nul ne sait précisément ce que cette lettre d’orientation contiendra, ni quel montant sera alloué pour réformer la pharmacie d’officine. Il est d’ailleurs un peu tôt pour le savoir, car cette enveloppe ne devrait pas figurer dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2017, mais dans celui pour 2018, date à laquelle la prochaine convention sera réellement mise en route.
En ce qui concerne les évolutions à prévoir, la profession attend notamment de franchir une nouvelle étape dans la réforme du mode de rémunération. « Il faut poursuivre la mutation de la rémunération en la détachant encore plus des prix », a expliqué Philippe Gaertner, président de la FSPF, à l’occasion de la 17e Journée de l’économie de l’officine qui s’est tenue la semaine dernière.
Lors de cet événement organisé tous les ans par « le Quotidien », le président de la FSPF a rappelé que, aujourd’hui, déjà plus de la moitié de la rémunération du pharmacien ne dépend plus du prix industriel. Mais pour lui, il faut aller encore plus loin. « D’autres pistes existent, comme l’honoraire à l’ordonnance », souligne-t-il. Il est également impératif, à ses yeux, de chercher de nouvelles sources de rémunération. « Même si le médicament reste l’essence même de la pharmacie d’officine, d’autres éléments doivent être développés, tels les services, l’observance et l’accompagnement des patients », indique Philippe Gaertner.
Car selon le président de la FSPF, « la croissance ne se trouvera pas dans la dispensation du médicament », la pression sur les prix ne faiblissant pas année après année. Le PLFSS pour 2017, qui sera présenté mercredi 5 octobre en conseil des ministres, le prouve encore (voir encadré). Les médicaments génériques ne sont pas épargnés.
Depuis 2013, les baisses de prix cumulées ont atteint 700 millions d’euros, relève Erick Roche, président du GEMME. « C’est une économie qui se dégrade, avec des contraintes qui augmentent », regrette-t-il. Aujourd’hui, le prix net moyen d’une spécialité générique s’élève à 2,60 euros (3,98 euros avec les remises).
Diversifier les activités
« Le médicament représente encore une partie importante, mais les pharmacies qui réussissent aujourd’hui sont celles qui ont diversifié leur activité, souligne pour sa part Jean-Luc Fournival, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF). Si nous n’évoluons pas, nous irons dans le mur. » Il ajoute : « Notre avenir se trouve dans les services, les honoraires. Certes, il faut aussi rester le spécialiste du médicament, mais pas seulement. »
« Il faut nous donner les moyens d’être des acteurs de la prévention », lance de son côté Gilles Bonnefond, déplorant, par exemple, que le sevrage tabagique ne soit remboursé que si le patient consulte un médecin. Christian Grenier, président de la Chambre syndicale des groupements et des enseignes, Federgy, souhaite aussi que les officinaux puissent mieux acheter. Car aujourd’hui, les structures existantes « ne marchent pas ». Laurent Filoche, président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO) propose, lui, de se concentrer sur des secteurs qui échappent à l’officine. C’est le cas notamment des spécialités vétérinaires, mais aussi de la cigarette électronique qu’il juge utile dans le sevrage tabagique. « Sans tomber dans une vision drugstore de la pharmacie, il existe de nombreux leviers que nous n’actionnons pas », fait remarquer Laurent Filoche.
Autre levier de croissance à ne pas négliger, selon Antoine Bon, vice-président de l’AFIPA, le « self-care », qui regroupe les produits d’automédication (médicaments, dispositifs médicaux et compléments alimentaires). « En 2014, l’automédication représentait 15,4 % de parts de marché en France, contre environ 32 % en Europe », explique-t-il. Ce qui lui fait dire que le potentiel de développement de ce secteur existe dans l'Hexagone. L'économiste de la santé Jean-Jacques Zambrowski, juge nécessaire d'éviter « l'ubérisation » de la pharmacie. Citant le philosophe Henri Bergson, il lance : « L'avenir n'est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons en faire. »
Également présent à la Journée de l’économie, l'économiste Nicolas Bouzou pense lui aussi que les pharmaciens doivent étendre leurs compétences. Notamment dans le domaine de la vaccination. « La vaccination doit être réalisée à l’officine et vous devez être très bien rémunéré pour cela », estime-t-il. Pour lui, le rôle du pharmacien est de proposer un accompagnement et des services que personne d’autre ne peut fournir aux patients. « Si vous continuez à être rémunéré sur la vente de boîtes de médicament, la pharmacie s’arrêtera », augure Nicolas Bouzou. Il ajoute : « L’officine des trente glorieuses est morte et c’est une bonne nouvelle pour vous. »