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Philippe Gaertner : l'intervention pharmaceutique doit être rémunérée

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Publié le 20/10/2016
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Le Congrès national des pharmaciens se tiendra cette année à Nantes, les 22 et 23 octobre. À la veille de cet événement, Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), l’un des organisateurs*, explique les enjeux des prochains mois pour la profession, entre nouvelle convention pharmaceutique et élection présidentielle.

Le Quotidien du Pharmacien. - Quels seront les temps forts du congrès national qui ouvre ses portes samedi ?

Philippe Gaertner. - Nous organisons différents ateliers et une table ronde par demi-journée sur des sujets que nous considérons comme majeurs pour l’avenir de l’officine. Par exemple, la première table ronde portera sur l’avenir de notre rémunération. À la Fédération, nous avons toujours considéré que l’introduction d’honoraires n’était qu’une étape. Aujourd’hui, ils représentent plus de la moitié de la rémunération. Mais il est essentiel de passer à une seconde étape dont l’objectif est, pour nous, de continuer à détacher la rémunération du prix des médicaments. L’officine vit une période de baisse de ses revenus et cette diminution ne peut pas continuer. Les derniers chiffres présentés à la commission des comptes de la Sécurité sociale montrent clairement que tous les professionnels de santé, et même l’industrie du médicament, sont en croissance, sauf la pharmacie d’officine et les grossistes-répartiteurs. Et la tendance ne semble pas près de s’inverser. Car pour financer l’innovation, on prélève sur les médicaments anciens dispensés en ville. Il faut donc continuer à se détacher du prix des spécialités.

Le PLFSS pour 2017 vous conforte donc dans cette idée ?

Tout à fait. Compte tenu de la lettre d’orientation adressée au Comité économique des produits de santé (CEPS) sur la politique de baisse de prix à tenir, ce PLFSS est carrément insupportable pour l’officine. Sauf à modifier le mode de rémunération des pharmaciens. Les années se succèdent et tous les ans les pouvoirs publics remettent le compteur à zéro sans tenir compte des efforts réalisés auparavant. Au-delà des économies demandées au médicament, ce PLFSS contient un autre sujet de préoccupation pour nous, celui des biosimilaires. À partir du moment où une liste des biosimilaires sera produite par l’ANSM, le pharmacien, qu’il soit hospitalier ou officinal, devra avoir le droit de substituer à l’initiation du traitement. Sinon, c’est qu’il y a un problème avec la liste. Nous demandons également l’instauration de règles économiques identiques à celles appliquées aux génériques, c’est-à-dire l’égalité entre la marge du biosimilaire et celle du produit de référence.

Jusqu’où, selon vous, peut-on détacher la rémunération des pharmaciens du prix des médicaments ?

Il restera toujours une partie de la rémunération liée à la marge commerciale, car notre métier possède deux facettes : celle de professionnel de santé et celle de chef d’entreprise de type commercial. Il n’y aurait aucun sens à abandonner totalement ce principe, car une partie des coûts de distribution sont liés au stockage, à l’achat et à la revente de médicaments. D’ailleurs de nombreux pays ont conservé une partie de rémunération à la marge. Aujourd’hui, toutes les formations politiques sont d’accord pour favoriser une rémunération plus indépendante des prix industriels. La réforme a commencé sous le précédent gouvernement, elle a continué avec celui-ci et elle se poursuivra avec le suivant.

Des représentants de partis politiques participeront dimanche à la table ronde « Plaçons l’officine au cœur de la présidentielle 2017 ». Que leur demanderez-vous à quelques mois de ce scrutin majeur pour le pays ?

De mettre en adéquation la politique menée avec ce qu’ils considèrent comme une évolution à suivre pour la santé dans notre pays et avec ce que peut apporter l’officine pour atteindre cet objectif. Par exemple, si l’on décide de prendre véritablement le virage ambulatoire, il faudra donner les moyens à l’interprofessionnalité de se mettre en place. La deuxième chose que je leur demanderai, est de traiter équitablement les différents acteurs de la santé. En ce qui concerne le réseau, nous sommes en attente du fameux rapport IGAS/IGF sur la question. Mais en attendant, la situation se dégrade. En septembre, nous avons connu le plus grand nombre de fermetures de pharmacies de tous les temps, puisqu’il y a eu 28 licences en moins. C’est presque une par jour ! Cela montre bien les difficultés économiques rencontrées par de nombreuses officines, mais aussi la nécessité d’une meilleure organisation. Des titulaires sont prêts à modifier la logique de répartition territoriale dans les zones surdenses. Encore faut-il leur en donner les moyens.

La nouvelle convention sera l’un des grands chantiers des prochains mois. Que souhaitez-vous y voir inscrit ?

La convention avec l’assurance-maladie doit permettre l’évolution de la composante « professionnel de santé » du métier de pharmacien d’officine. C’est de ce côté-là que viendra la croissance. Par exemple, tout ce qui concourt à améliorer l’observance doit y figurer. Cela a déjà commencé avec les entretiens AVK et asthme, mais d’autres types d’entretiens doivent être mis en œuvre. Le pharmacien doit aussi pouvoir réaliser pour ses patients des bilans de médication au moment où des changements majeurs interviennent dans leurs traitements. Il s’agit de remettre à plat les nouvelles et les anciennes prescriptions afin d’éviter les confusions entre les médicaments qui doivent être maintenus et ceux qui doivent être arrêtés. La question de la préparation des doses à administrer (PDA) doit aussi être abordée, car c’est un bon outil d’amélioration de l’observance. On peut aussi, pourquoi pas, penser à la vaccination à l’officine. Il me semble également important que la future convention prévoit la rémunération des interventions pharmaceutiques. Chaque contact pris avec le médecin qui aboutit à la modification de l’ordonnance (changement de produit, de posologie, de dosage…) doit être rémunéré par un honoraire. Car, pour le pharmacien, c’est un supplément de temps passé par rapport à une dispensation classique. De plus, cela aurait le mérite d’objectiver l’intervention du pharmacien. Au-delà de ces dispositions, ce qui est essentiel, c’est de prévoir dans la convention la possibilité de faire bouger les choses dans la période des cinq ans, au travers d’avenants.

Vous parlez de nouveaux entretiens pharmaceutiques, mais le suivi des patients sous AVK et des asthmatiques s’essouffle. Comment redynamiser l’accompagnement des patients ?

Il faut créer un nouveau modèle économique. Je propose que l’indemnisation des entretiens pharmaceutiques continue de reposer sur le principe d’une rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP). Mais on envisagerait des paiements par acompte avec une régularisation annuelle. Les acomptes versés pourraient être calculés sur la base des sommes perçues les années précédentes. En attendant, une chose est sûre, si l’on veut continuer à développer ces entretiens, le règlement ne peut intervenir 18 mois plus tard… Entre le PLFSS pour 2017, la convention avec l’assurance-maladie et l’élection présidentielle, les six mois à venir seront déterminants. Nous avons mis en place, avec l’USPO**, une plateforme intersyndicale de travail. Celle-ci a pour vocation de discuter et d’échanger avec les autres représentants de la profession afin de préparer au mieux ces échéances. Avec pour objectif final, la défense des intérêts de la santé publique et du réseau officinal.

*Le Congrès national des pharmaciens est co-organisé par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), l’Association de pharmacie rurale (APR) et l’association de formation continue UTIP.
**Union des syndicats de pharmaciens d’officine.

Propos recueillis par Christophe Micas

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3296