La publication du livre « La vérité sur les statines » a eu des conséquences indéniables sur le suivi des traitements, comme le constate une étude française qui s'appuie sur les données de l’assurance-maladie.
Au-delà de la polémique qu’il a suscitée en février 2013 à sa sortie, le livre « La vérité sur les statines » de Philippe Even aurait eu un impact sur l’observance des patients. Une équipe de chercheurs du service de pharmacologie médicale de l’Université et du CHU de Bordeaux s'est attachée à confirmer ce qui avait été avancé de manière plus empirique par l'étude Evans.
Sous le titre « Impact d’un événement médiatique public sur l’utilisation des statines dans la population française », ils viennent de publier dans la revue « Archives of Cardiovascular Diseases » les résultats d’une étude portant sur l’identification des utilisateurs réguliers de statines ayant arrêté leur traitement au moins deux mois, à partir de la publication de l'ouvrage controversé. Ils ont comparé ces données prélevées à partir de l’échantillon généraliste des bénéficiaires (EGB) de l’assurance-maladie aux données des patients ayant interrompu leur traitement au cours des années 2011 et 2012.
Il apparaît qu’en 2013, 30 725 personnes ont arrêté leur traitement contre 29 517 en 2012 et 28 272 un an plus tôt. Sur l’ensemble des personnes suivies, le taux d’arrêt était de 11,5 % en 2013 alors qu’il n’atteignait que 8,5 % les deux années précédentes. Et les chercheurs de conclure : « le taux d’interruption du traitement aux statines a été, globalement et dans chaque groupe de risques cardio-vasculaires, plus important en 2013 après l’événement médiatique que durant les années précédentes ».
Cependant, les chercheurs précisent que le taux d’arrêt varie selon le risque encouru par le patient. Ils observent ainsi que 19,4 % des patients à faible risque ont cessé leur traitement en 2013 contre 11,6 % de ceux à risque modéré et 7,4 % de ceux à haut risque. Chez les patients à risque d’accident cardiovasculaire peu élevé, les arrêts de traitement ont ainsi augmenté de 53 % entre 2012 et 2013 tandis que chez les patients à risque modéré, cette hausse était de 40 %. Dans le groupe des patients à risque élevé, la décision de cesser le traitement aux statines n’a augmenté que de 25 % par rapport à 2012.
Si aucun lien direct ne peut être à ce jour formellement établi avec une hausse de mortalité observée après février 2013, les chercheurs notent que l'impact clinique de cette interruption devrait être important. Cité dans « Le Figaro », Julien Bezin, l'un des chercheurs, estime nécessaire d'élargir l'étude à la base nationale de l'assurance-maladie et déclare qu'une demande de financement a été faite en ce sens.