« LE PROJET de loi HPST [Hôpital, patients, santé et territoires, NDLR] propose des avancées significatives, qui seront, je n’en doute pas, reconnues comme telles par les sénateurs », assure Roselyne Bachelot, venue inaugurer le traditionnel rendez-vous du printemps, le salon Pharmagora.
Assis un peu plus tard au côté de la ministre de la Santé pour un débat, les représentants de la profession ne la contredisent pas sur ce point. « Cette loi va orienter la pharmacie pour les dix ans à venir », estime Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « L’aspect professionnel de santé prend clairement le pas sur celui de commerçant », poursuit-il. « Désormais, le rôle du pharmacien ne va plus s’arrêter au comptoir », ajoute Jean Parrot, président du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens. Roselyne Bachelot conclut : « 2009 sera une grande année pour la profession pharmaceutique. »
Le décret sur les centrales d’achat dans les tuyaux
Au-delà de la loi HPST, Roselyne Bachelot est également revenue sur un autre projet qui lui tient à cœur, le libre accès à certains médicaments. Dans ce cadre, elle révèle que le décret créant les centrales d’achat de pharmaciens est actuellement en cours d’examen au Conseil d’État. « J’espère pouvoir en annoncer la publication très prochainement », déclare la ministre. Pour elle, ces centrales d’achat permettront aux officinaux d’acquérir au meilleur coût la majorité des médicaments à prix libre et, donc, de proposer ces médicaments à des prix « raisonnables ».
Une baisse des prix devant le comptoir
Les prix justement semblent être d’ores et déjà à la baisse. Philippe Gaertner affirme en effet lors du débat avec Roselyne Bachelot que les tarifs des médicaments placés en libre accès enregistrent une baisse de 3 % à la fin février. De son côté, la ministre annonce que le groupe de travail sur l’évolution des prix rendra ses conclusions dans quelques semaines. En attendant, elle se félicite que près de 4 officines sur 10 se soient déjà dotées d’un rayon libre accès. Cette proportion « est conforme à ce que j’attendais », indique-t-elle.
Jean Parrot se réjouit, lui, que la mise en place du libre accès ne soit pas synonyme d’explosion du marché. « C’est une bonne chose d’un point de vue sanitaire », explique le président de l’Ordre.
Quant à Claude Japhet, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), il demande à Roselyne Bachelot d’aller plus loin en autorisant, par exemple, le passage devant le comptoir des tests de dépistage.
Un groupe de travail pour les regroupements
Dans son discours inaugural, Roselyne Bachelot a également reconnu « qu’il n’est pas facile de procéder à des regroupements d’officines et que la lisibilité des procédures à opérer pour y parvenir n’est pas optimale ». Aussi a-t elle indiqué qu’elle allait mandater un groupe de travail « pour permettre aux pharmaciens d’y voir plus clair sur les démarches à suivre et les avantages dont ils pourraient bénéficier dans ce cadre ».
Une idée qui ne déplaira pas à l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), qui plaide également pour la mise en place de mesures incitatives. Le syndicat demande ainsi l’exonération des plus-values pour les pharmaciens qui optent pour le regroupement.
Une nouvelle rémunération
Également au cœur des débats de Pharmagora, l’évolution de la rémunération rendue notamment nécessaire par l’apparition des nouvelles missions prévues par la loi HPST. Pour la FSPF, cette nouvelle rémunération devra être mixte. Autrement dit, elle devra reposer pour une part sur la marge commerciale et, d’autre part, sur un honoraire « prenant en compte la valeur ajoutée de l’acte pharmaceutique », explique Philippe Besset, président de la commission Économie de l’officine à la FSPF. « Le pharmacien sera amené parfois à faire deux factures à l’assurance-maladie, l’une pour les produits et l’autre pour le service », détaille-t-il. De son côté, l’USPO plaide également pour une évolution vers une rémunération mixte. Toutefois, l’organisation syndicale juge que le moment n’est pas propice. « Les conditions de négociation ne sont pas là », estime son président délégué, Gilles Bonnefond.
Des pharmacies succursales
Le Collectif des groupements a profité du salon de la porte de Versailles pour dévoiler son projet de pharmacies succursales attachées à une pharmacie principale. « Un pharmacien ou une société de pharmaciens, détenteur d’une officine, pourrait en acquérir trois autres », explique son président, Pascal Louis. Toutes formeraient une seule entité juridique. « Ce principe ne touche pas au maillage car chacune des succursales garde sa licence », précise Pascal Louis.
Ce modèle est quelque peu différent de celui des pharmacies mère et filles proposé par le président de l’Ordre (« le Quotidien » du 16 mars).
Jean-Charles Tellier, président du Conseil central A (titulaires), ne se dit pas hostile au projet du collectif, tout en rappelant que les succursales ne sont pas légalement possibles en France à l’heure actuelle. Du côté des syndicats, l’idée est accueillie plutôt fraîchement. Philippe Gaertner (FSPF) estime ainsi que le projet du collectif remet en cause le principe d’un pharmacien professionnel de santé libéral. Gilles Bonnefond (USPO), lui, met en garde contre une modification des règles qui risque d’exposer la profession à une nouvelle plainte de la commission européenne. Mieux vaut donc attendre la décision définitive de la cour de justice. Seul Claude Japhet semble davantage impatient de voir évoluer la situation. « Cela fait quarante ans que l’on n’a rien modifié dans ce domaine », déplore le président de l’UNPF.