De quel sexe sont les médicaments ? Si l'on en croit le ratio homme/femme des volontaires participant aux essais cliniques qui mènent à leur commercialisation, la réponse est indéniablement : « masculin ». En effet, les femmes représentent moins du quart des patients enrôlés et environ 80 % des études menées chez l'animal ne portent que sur des mâles. Une parfaite hérésie lorsque l’on sait que les deux sexes ne réagissent pas aux médicaments de la même manière. De plus, cette « courtoisie » malvenue n'est pas sans conséquence sur le profil de tolérance pharmacologique. Les femmes auraient ainsi 1,5 à 2 fois plus d’effets secondaires liés aux médicaments que les hommes. « On a longtemps considéré le masculin comme un standard physiologique, on se rend compte depuis une bonne trentaine d’années qu’il est en réalité un "cas particulier" comme un autre », explique Peggy Sastre auteure du livre « Le sexe des maladies ».
Les croyances ont la peau dure. Ainsi celle selon laquelle les femmes seraient plus compliquées à étudier en raison des variations hormonales dont elles sont l’objet. De récentes publications ont démontré qu’il y avait tout autant de fluctuations de testostérone chez les hommes que d’œstrogène chez les femmes. S'il paraît nécessaire de réviser la façon dont on conduit les recherches, rétablir une certaine parité ne sera pas aisé. Plusieurs arguments invitent en effet les expérimentateurs à écarter les femmes des essais cliniques. Si une femme tombe enceinte pendant un essai, par exemple, il faudra l’en exclure. Sans parler des problèmes d’assurances si jamais son enfant présente des anomalies liées au médicament testé. Voilà pourquoi les femmes enrôlées doivent être sous contraception. Problème, la pilule peut interagir avec les médicaments testés. Pour limiter les risques, certains laboratoires préfèrent tout simplement exclure les femmes de leurs tests. Traumatisée par les affaires du Distilbène et du thalidomide, la recherche clinique a longtemps écarté les femmes en âge de procréer de ses essais. Aujourd'hui, cette louable prudence semble un peu se retourner contre elles.