L’année 2016 a été synonyme de contentieux pour l’Ordre des pharmaciens. Avec 308 plaintes enregistrées par la chambre de discipline du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), la tendance semble en effet repartie à la hausse. Le pic de 2014 (347) semble certes encore loin, mais par rapport à 2015 (286), la hausse est incontestable (+28).
À peine plus de la moitié des plaintes émanaient de pharmaciens (57 %) et moins d’une sur cinq (18 %) de particuliers. Quant aux conseils régionaux de l’Ordre des pharmaciens (CROP), ils étaient à l’origine de moins d’une plainte sur dix (9,5 %). À noter enfin que les DG d’ARS étaient à l’origine de 13 % des plaintes, que l’ANSM en avait déposées 5 et l’ANSES 1.
Peut-être faut-il plutôt voir dans ces statistiques le reflet de la nature des affaires, puisque 65 ont abouti à une conciliation totale (62 en 2015 et 50 en 2014). Soit un échec de la conciliation dans 68 % des cas (58 % en 2015). Les décisions d’appel semblent d’ailleurs aller dans le même sens, puisque dans 52 % des cas, les décisions de première instance ont été confirmées avec à la clé : 62,1 % d’interdiction d’exercice temporaire, 21,3 % de blâmes avec inscription au dossier et 16,7 % d’avertissements. Quant aux décisions réformées, 24 ont bénéficié d’une diminution de la sanction en appel et 5 ont été aggravées.
Points de procédures
Mais au-delà des chiffres, il convient surtout de s’intéresser à la nature des décisions, et donc au fond des affaires qui peuvent être ventilées en deux grandes familles : celles portant sur les points de procédure et celles marquantes au fond.
Dans la première catégorie, le Pr Hélène Van den Brink est revenue sur une affaire ayant suscité une question préalable de constitutionnalité (QPC). Il s’agissait de savoir si le septième alinéa de l’article L. 4234-6 CSP n’était pas contraire au principe de nécessité et d’individualisation des peines, dans la mesure où un pharmacien sanctionné d’une interdiction d’exercice temporaire avec ou sans sursis devenait inéligible dans les institutions ordinales ? Dans sa décision du 24 juillet, le CNOP a considéré que ce texte avait été édicté dans un but déontologique et avait « pour objet non de réprimer les manquements professionnels mais de garantir l’intégrité et la moralité des membres qui composent les organes d’un ordre professionnel dont la mission est notamment de veiller au maintien des principes de moralité dans tous les actes de la profession ». Il ne constitue donc pas une sanction ayant le caractère d’une punition.
L’autre décision marquante avait pour but d’établir ou non la régularité d’une procédure, dès lors qu’un conciliateur avait siégé au sein de la chambre de discipline, alors même qu’il n’avait pas signé le procès-verbal (PV) de non-conciliation. Dans sa décision du 7 juillet, le CNOP a considéré que conformément à l’article R. 4234-39 du CSP, « le fait que le conciliateur n’ait pas signé le PV constatant la non-conciliation des intéressés n’est pas de nature à pallier l’irrégularité de la procédure, dès lors que les conciliateurs doivent être considérés comme ayant organisé la conciliation quel que soit le devenir de celle-ci ».
Honneur et dignité
Quant aux décisions marquantes au fond, elles sont venues sanctionner des pratiques contraires aux bonnes pratiques de dispensation. Un titulaire a ainsi été condamné à 15 jours d’interdiction d’exercice et révocation du sursis (5 mois d’IEP dont 3 mois avec sursis en première instance) pour avoir laissé une apprentie en brevet professionnel et une étudiante en bac pro délivrer des médicaments.
Un autre titulaire, récemment installé et membre d’un groupement, a vu sa condamnation à deux mois d’IEP, dont un mois et demi avec sursis, confirmée pour avoir apposé dans sa vitrine une affiche grand format avec le slogan « Gagnez un an de produits cosmétiques d’une valeur de 1 000 € », au motif que « la pharmacie n’est pas un commerce comme les autres et les actions commerciales, quand elles sont autorisées par les textes, doivent être conformes à l’honneur et à la dignité de la profession ».
De même un pharmacien a-t-il été condamné à deux ans d’IEP pour ne pas avoir respecté depuis plusieurs années l’art. L.5125-20 CSP et l’arrêté du 1er août 1991, modifié le 15 mai 2011, relatifs au nombre de pharmaciens adjoints en fonction du chiffre d’affaires de l’officine ; quand bien même l’activité de la parapharmacie serait prépondérante dans son officine où elle représenterait 78 % du chiffre d’affaires.
En revanche, une titulaire, poursuivie pour avoir maintenu son officine ouverte un dimanche alors qu’elle n’était pas de garde, en violation d’un arrêté préfectoral de fermeture au public de toutes les officines, a bénéficié de la clémence du CNOP qui a rejeté la plainte en raison de la bonne foi du pharmacien poursuivi et du caractère isolé de la faute.