L’évolution du métier de pharmacien n’a jamais été aussi rapide. La dispensation d’antibiotiques sous protocole dans la cystite en est un parfait exemple. Mais sa prise en charge doit être réalisée de manière globale, coordonnée, associée à des conseils prophylactiques et de surveillance. Pour le Pr Bernard Charpentier, néphrologue, élu président de l’Académie de médecine à partir de 2021, cette dispensation sous protocole doit par essence être très limitée. D’abord parce que les cystites sont très différentes selon la population concernée et les symptômes.
Ainsi, la méfiance est de mise quand la cystite est évoquée pour un enfant car elle souvent secondaire à une uropathie malformative. De même, la cystite chez l’homme est généralement liée à une infection de la prostate, organe mal pénétré par les antibiotiques et auquel le praticien doit porter une attention particulière. Chez la femme âgée, la ménopause, donc le sevrage hormonal, peut provoquer un léger effondrement du plancher pelvien entraînant l’ouverture de l’urètre, un abaissement de la vessie et parfois des fuites. De ce fait, des infections urinaires basses sont fréquentes chez la femme âgée, mais souvent asymptomatiques. « La seule complication possible est que l’infection remonte de la vessie par les urètres vers les reins et donne une pyélonéphrite aiguë. C’est peu fréquent mais il s’agit d’une infection majeure qui devient une véritable urgence car les deux reins suppurent, demandant une antibiothérapie prolongée et qui, si elle n’est pas bien traitée, peut récidiver pour devenir chronique, conduire à une néphropathie interstitielle chronique, puis à une insuffisance chronique qui, au stade terminal, peut mener à la transplantation et à la dialyse », décrit le Pr Charpentier. Enfin, chez la femme enceinte, l’effet antireflux n’est plus efficace au niveau de la vessie et une infection urinaire basse peut se compliquer en pyélonéphrite aiguë, pathologie grave aussi bien pour le fœtus que pour la mère. C’est pourquoi une antibiothérapie probabiliste ne peut convenir dans ces quatre cas.
Coordination
Elle est néanmoins envisageable chez la femme sexuellement active. Dans ce cas, la cystite la plus fréquente est liée aux rapports sexuels. Un autotest peut être proposé permettant de détecter les nitrites dans l’urine. « Que peut faire le pharmacien en cas de test positif ? Aux heures ouvrables, il peut orienter vers un médecin généraliste et un laboratoire d’analyse médicale pour isoler la bactérie et obtenir son antibiogramme. Aux heures non ouvrables en semaine, il peut conseiller de conserver un prélèvement d’urine pour analyse le lendemain matin en laboratoire et préconiser une consultation. Le soir, le week-end, on peut envisager que le pharmacien délivre un antibiotique probabiliste pour un effet immédiat sur l’infection. » Mais, précise Bernard Charpentier, il doit bien s’agir d’une infection urinaire basse chez une jeune femme, sans fièvre, avec dysurie et polyurie, hors récidives multiples (dès 3 à 4 fois par an).
Ce n’est pas une urgence médicale mais les symptômes sont suffisamment gênants pour justifier une prise en charge à l’officine. Elle doit toutefois rester exceptionnelle, et en coordination avec le médecin généraliste et le biologiste médical. « L’antibiothérapie probabiliste doit être limitée car s’il s’agit d’un autre problème ou si la situation empire, les médecins sont embêtés pour traiter », souligne Isabelle Pendola Luchel, médecin généraliste. Par ailleurs, si l’officinal estime qu’une consultation est nécessaire pour son patient, il ne doit pas hésiter à téléphoner au médecin. « J’insiste sur la coordination des professionnels de santé, ajoute la généraliste. Quand un pharmacien nous appelle pour nous adresser un patient, on le reçoit. Parce que le pharmacien est un professionnel de santé et que son avis est important. »