Pour la première année, les résultats de deux études évaluant les deux premières thérapies ciblées chez des enfants et adolescents avec des tumeurs solides rares de mauvais pronostics, réfractaires ou récidivantes, en impasse thérapeutique, ont été présentés. Ces tumeurs étaient porteuses d’un réarrangement génomique rare : le gène de fusion NTKR, présent dans 0,3 % de l’ensemble des cancers.
La première étude de phase 1/1B (abstract 10009), non ouverte en Europe, a eu pour objectif d’évaluer la réponse thérapeutique de l’entrectinib, inhibiteur oral de gènes de fusion NTKR (neutrophin tropomyosine kinase receptor), ROS1 et ALK.
L’entrectinib, une réponse rapide et prolongée
Cet essai a inclus 29 enfants et jeunes adultes âgés de 4,9 mois à 20 ans. Ces jeunes patients présentaient des tumeurs solides cérébrales ou extracérébrales réfractaires ou récidivantes avec des altérations moléculaires des gènes de fusion NTRK, ROS ou ALK, et des neuroblastomes sans ces altérations biomoléculaires. Une réponse rapide et prolongée a été observée avec l’entrectinib chez tous les enfants (n = 11) qui présentaient des tumeurs du SNC et extracérébrales avec gènes de fusion NTRK, ROS1 ou ALK. En revanche, aucun bénéfice n’a été observé pour les tumeurs qui ne présentaient pas ces réarrangements géniques.
La seconde étude internationale (abstract 10010), dans laquelle Curie et Gustave- Roussy ont inclus 6 enfants, a évalué l’efficacité et la sécurité d’emploi du larotrectinib, autre inhibiteur de gène de fusion NTRK. Trente-huit enfants et adolescents (< 18 ans) ont été inclus. Les enfants qui présentaient des tumeurs du SNC ont été exclus. L’âge médian était de 2,3 ans. Dix-huit enfants présentaient des fibrosarcomes infantiles, 15 des sarcomes des tissus mous, 2 un cancer de la thyroïde, 1 une tumeur stromale gastro-intestinale, un mélanome ou un néphrome mésoblastique. Toutes ces tumeurs étaient porteuses du gène de fusion NTRK. La réponse globale a été de 94 %. « Le larotrectinib a une ATU de cohorte en France et est en cours d’évaluation par l’EMA, indique le Pr Gilles Vassal (directeur de la recherche clinique, Gustave-Roussy, Villejuif). Aux États-Unis, le larotrectinib a une autorisation agnostique chez l’adulte et l’enfant ».
Le portrait moléculaire de la tumeur
« Ce sont des résultats remarquables. Nous sommes enfin entrés dans l’ère des thérapies ciblées pour les enfants qui ont des tumeurs solides, se félicite le Pr Vassal. La caractérisation génomique des tumeurs a transformé l’approche thérapeutique en oncopédiatrie, permettant de proposer aux enfants des thérapeutiques ciblées ». La France est pionnière en la matière. « Depuis 4 ans, en France, MAPPYACTS, programme de diagnostic moléculaire promu par Gustave-Roussy, permet de réaliser le séquençage du génome tumoral entier « whole genome » et l’ARNseq. Six cents enfants au cours des 4 dernières années ont participé à ce programme. Cela a permis d’inclure 15 à 20 % de ces enfants dans des essais cliniques de phase précoce (phases I et II, ACSé- ESMART). C’est l’ouverture d’un champ complètement nouveau de médecine personnalisée en oncopédiatrie », indique le Pr Vassal. Dans l’essai MATCH (Molecular Analysis for Therapy Choice ) pédiatrique présenté à l’ASCO, 25 % des enfants (n = 95) ont pu bénéficier de traitements ciblés dans le cadre d’essais cliniques grâce à la recherche de drivers oncogéniques (abstract 10011). L’accès à l’innovation en oncopédiatrie devient réalité. Il faut s’en réjouir même s’il reste à déterminer le profil de tolérance à long terme de ces thérapies ciblées. « La qualité du suivi sera déterminante », a insisté Gilles Vassal.
D’après la session orale en oncopédiatrie.