OPTIMISER au maximum les ressources. Une obligation à l’heure où la crise affecte tous les secteurs de l’économie. Une règle qui s’impose également dans l’univers de la santé, à tous les niveaux. Actions de dépistage ou de prévention, stratégie thérapeutique, médicaments… aucun étage n’échappe à ce souci de la rentabilité. Mais encore faut-il pouvoir apprécier les économies qu’engendrerait une action particulière. C’est le principe même du ratio coût/efficacité. Un ratio qui résulte de la comparaison du prix d’un traitement avec le coût de ses conséquences. En clair combien de vie permet-il de sauver, de maladies d’éviter, de consultations, d’examens médicaux et de séjours à l’hôpital d’économiser ?
« Pour comparer les actions de préventions et autres traitements, les pouvoirs publics ont tendance à s’appuyer sur une science encore récente : la médico-économie », explique le secrétaire général la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), Claude Baroukh. Véritable aide à la décision, la médico-économie permet également de justifier certaines évolutions du monde de la santé, telles que les nouvelles missions du pharmacien, issues de la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires) ou encore certaines mesures, comme la possibilité de vacciner contre la grippe, prévues dans le cadre du projet de loi sur la santé que vient de présenter Marisol Touraine.
Jusqu’à 80 millions d’économie.
Si la médico économie permet aux pouvoirs publics de rationaliser leurs choix, elle offre aussi la possibilité aux acteurs de santé - et en particulier à leurs représentants - de disposer d’arguments objectifs, et donc difficilement contestables, pour négocier avec l’assurance-maladie. Car « l’accompagnement pharmaceutique du patient et les services santé à l’officine sont, par nature, producteurs d’efficience dans la mesure où ils améliorent la prise en charge globale des patients, et par là même leur état de santé, en réduisant les coûts dus à une mauvaise observance ou encore à une méconnaissance de la maladie et des traitements », explique Stéphane Billon, professeur d’économie au Conservatoire des Arts et métiers, à la faculté Paris-Dauphine, et directeur associé au sein de la société de conseils Kamedis.
D’où l’intérêt de mettre en place des études médico économiques comme Pharmacop qui a permis de mesurer l’efficience de l’accompagnement pharmaceutique des patients atteints de BPCO en Belgique. Et ainsi de démontrer d’une part, que la réduction du coût total par patient était de l’ordre de 227 € par an ; et d’autre part, que cet accompagnement contribuait à diminuer le nombre d’hospitalisation. Conséquence : « En extrapolant les résultats de cette étude, toutes choses égales par ailleurs, à seulement 10 % des malades souffrant de BPCO en France et en considérant donc que 350 000 patients adhèrent à ce programme, l’assurance-maladie pourrait économiser entre 68 millions et 80 millions d’euros », précise encore le directeur de Kamedis.
Mouvement de fond.
Un argument de poids qui positionne clairement les pharmaciens au rang d’interlocuteurs de premier plan pour les autorités car « s’ils devaient arrêter les services, le coût pourrait être de trois milliards pour la collectivité ». Un bon moyen d’obtenir soit une juste rétribution pour ces services, soit une rémunération globale intéressante. En clair, démontrer l’impact de l’acte pharmaceutique comme outil d’efficience au sein de la médecine ambulatoire contribue à valoriser l’offre de « Services Santé » à l’officine dans sa dimension médico-économique.
Un atout certain qui a incité la FSPF à participer à une étude menée par l’équipe d’économistes de la santé et donc de modélisateurs que dirige Stéphane Billon. L’objectif ? Chiffrer ces gains de manière rigoureuse et ainsi déterminer les dépenses évitées grâce à l’acte officinal. Comment ? En suivant quelque 450 officines impliquées dans un ou plusieurs services comme l’éducation thérapeutique du patient (ETP) diabétique, le suivi des patients asthmatiques ou encore sous AVK, la participation à une société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA)…
Un travail de modélisation qui se justifie d’autant plus que cette tendance à vouloir confier aux pharmaciens de nouvelles missions est un mouvement de fond qui dépasse le seul Hexagone. Guillaume Nebout, le directeur du développement d’Alliance Boots qui, à travers le monde, gère des chaînes de pharmacies rassemblant 13 000 officines et fédère quelque 6 000 pharmacies indépendantes comme le groupement Alphega, en France, a ainsi expliqué l’intérêt de cette évolution à la fois pour les pouvoirs publics et pour la profession.