LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN. - Quels seront les temps forts de l’assemblée générale de Carcassonne ?
YVES TROUILLET. - Il n’y aura pas d’élections cette année, mais je présenterai tout de même aux adhérents mon successeur. Car ce sera ma dernière assemblée générale en tant que président. J’ai en effet choisi d’achever mon mandat et de céder la place lors de l’assemblée générale de 2010 pour me consacrer entièrement à ma nouvelle fonction de trésorier de l’Ordre national des pharmaciens. Ce qui ne m’empêchera pas d’aider mon successeur afin que l’APR reste un des piliers de la défense professionnelle.
Quel est votre favori pour vous succéder ?
Je ne participerai pas au vote, mais si je devais choisir quelqu’un se serait le secrétaire général actuel de notre association, Benoît Thiebaut. Pour moi, il a toutes les qualités pour devenir président de l’APR et défendre la pharmacie rurale.
Au-delà de l’avenir de votre association, quels seront les thèmes abordés lors de la prochaine assemblée générale ?
Il sera notamment question de l’évolution de notre mode de rémunération. Aujourd’hui, on ne peut pas rester sur le modèle actuel car les volumes et les prix baissent. Je compte sur le président de la commission Économie de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, Philippe Besset, pour nous présenter les pistes étudiées par son syndicat et pour nous éclairer (voir également « le Quotidien » du 12 novembre, Ndlr).
Où en est le dossier vétérinaire ?
Les deux spécialistes du dossier à l’APR, Jacky Maillet et Vincent Ramon, s’en occupent activement. Il faut vraiment que le pharmacien devienne le dispensateur du médicament vétérinaire. Pour cela, il est nécessaire de parvenir à déconnecter la rémunération du vétérinaire de la vente de médicaments. Nous devons trouver un accord ensemble. Sinon, la commission Européenne s’en chargera.
Nous allons également relancer la ministre de la Santé sur la possibilité de mettre des spécialités vétérinaires en libre accès. Car son annonce au Congrès des pharmaciens de Deauville il y a un an n’a pas été suivie d’effets. Ce dossier doit évoluer dans les mois qui viennent.
Roselyne Bachelot vient d’annoncer la mise en place d’un groupe de travail chargé de réfléchir aux moyens de lever les freins aux regroupements de pharmacies. Qu’en pensez-vous ?
Je suis tout à fait favorable aux regroupements à condition que cela ne modifie pas le réseau officinal. Car, je veux bien entendre que la notion de proximité a changé, et que parcourir 10 kilomètres se fait aujourd’hui plus facilement, mais le souci majeur à l’heure actuelle, dans certaines zones rurales, devient de trouver sur le lieu de consultation un médecin et un pharmacien. Il est donc nécessaire d’encourager les délégations de tâches qui pourraient être une nouvelle forme de rémunération pour les pharmaciens. En résumé, je dis oui aux regroupements, mais se regrouper coûte cher, il faudra aider financièrement les pharmaciens. Et respecter le maillage. N’oublions pas que la loi de répartition démo géographique est une loi de santé publique qui n’a pas été faite dans l’intérêt des pharmaciens, mais dans celui des patients.
Qu’attendez-vous de la prochaine expérimentation dans les maisons de retraite qui signera les premiers pas du « pharmacien référent » ?
Cette expérimentation va montrer que le pharmacien de proximité est le professionnel le mieux à même de gérer les traitements des personnes hébergées dans ces établissements. Et je mets en garde contre la tentation de créer des pharmacies à usage intérieur (PUI) pour des groupements de coopération sanitaire et sociale. En effet, nous avons tous le même diplôme mais le décret sur les PUI en établissement médico-social impose la présence d’un pharmacien seulement deux demi-journées par semaine. Dans ce contexte, elles ne peuvent fournir les mêmes qualités de services que les pharmacies de proximité.
Quant à la préparation des doses à administrer (PDA), la ministre de la Santé vient d’indiquer qu’une issue pourrait être trouvée d’ici à la fin de l’année. J’attends un texte définissant un cadre précis pour préparer ces doses et qui garantira l’absence de risque de poursuites pour les pharmaciens. Je souhaite également que cette PDA soit rémunérée et fasse partie des nouvelles missions du pharmacien.
Vous avez signé le rapport Rioli sur le pharmacien d’officine dans le parcours de soins qui sera remis à la ministre de la Santé à la fin du mois. Quelles raisons vous ont poussé à le faire ?
Pour moi, il y a beaucoup de similitudes entre la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) et le rapport Rioli : tous deux dessinent le pharmacien de demain. Ce rapport donne également des pistes pour faire évoluer notre mode de rémunération ce qui, comme je l’ai évoqué précédemment, me semble inéluctable. En revanche, la partie sur les sociétés holdings reste à préciser. Il faudra trouver une solution d’ordre fiscale aux pharmaciens qui exercent en SEL et qui souhaitent céder leurs parts à des jeunes pharmaciens. N’oublions pas que 5 000 titulaires auront atteint l’âge de la retraite d’ici à quatre ans. Quoi qu’il en soit, je pense qu’il faut s’en tenir strictement au jugement de la Cour européenne de justice : le médicament n’est pas un produit comme les autres ; le capital des officines doit rester aux pharmaciens ; le maillage territorial peut être justifié dès lors qu’il est mis en avant pour assurer un service de santé de qualité pour les patients.
Au-delà du rapport Rioli, l’enjeu de l’année à venir est la mise en musique de la loi HPST. Nous devons être partis prenante dans l’élaboration des décrets et autres arrêtés qui permettront la mise en œuvre des nouvelles missions définies dans la loi. Le pharmacien n’aura d’avenir que s’il reste un professionnel de santé de proximité et compétent.