À la date du 7 mai, 95 210 personnes avaient été hospitalisées en France et 16 386 étaient décédées. À partir de ces données, l'équipe Modélisation mathématique des maladies infectieuses, dirigée par Simon Cauchemez, a reconstitué la dynamique de l'épidémie, en appliquant les caractéristiques (taux de reproduction de base, pourcentage des cas asymptomatiques) obtenus grâce à l'analyse du cluster du bateau de croisière « Pacific Princess ». L'intégralité des passagers de ce navire a été testée et leurs déplacements sur le navire au cours de l'épidémie sont parfaitement connus.
Selon la modélisation des chercheurs de Pasteur, 3,6 % des malades ont été hospitalisés. Le taux est très variable selon les populations et va de 0,2 % chez les femmes de moins de 20 ans à 45,9 % chez les hommes de plus de 80 ans. Une fois hospitalisés, 19 % des patients ont été admis en soins intensifs et 18,1 % sont décédés. Le taux de mortalité global lié à l'infection est de 0,7 %, allant de 0,001 % chez les moins de 20 ans à 10,1 % chez les plus de 80 ans. Deux groupes se distinguent : les patients décédés rapidement après l'admission (environ 15 % des cas décédés après 0,67 jour d'hospitalisation en moyenne) et ceux qui meurent longtemps après (environ 85 % morts après 13,2 jours à l'hôpital).
Une deuxième vague probable en l'absence de mesures de contrôle
Avant le début du confinement, le taux de reproduction de base était de 2,90, et a diminué de 77 % depuis. Sur la base des calculs des chercheurs de l'institut Pasteur, environ 2,8 millions de Français ont été infectés, soit 4,4 % de la population totale, et respectivement 9,9 et 9,1 % en Île-de-France et dans le Grand Est, qui sont les régions les plus touchées par l'épidémie.
« Si l'on prend pour hypothèse que le taux de reproduction de base est de 3 », et en l'absence de mesures pour contrôler l'épidémie, « il est nécessaire que 65 % de la population environ soit immunisée pour espérer contrôler l'épidémie par la seule immunité de groupe, écrivent les auteurs. Nos résultats montrent qu'en l'absence d'un vaccin, l'immunité de groupe sera insuffisante pour éviter une seconde vague », à la fin du confinement. « Toutes les données disponibles, toutes les études publiées suggèrent qu’une reprise de l'épidémie est probable en l’absence de mesures de contrôle », abonde Simon Cauchemez dans une interview à l'AFP.
Taux d'immunisation plus faible que prévu
Les auteurs prévoient environ 3 900 nouvelles infections à la sortie du confinement (dont plus de la moitié en Île-de-France). Selon les derniers chiffres communiqués par le ministère de la Santé, il y a eu entre 200 et 700 cas confirmés chaque jour depuis le 11 mai, mais ces données ne tiennent compte que des patients dont l'infection a été confirmée par une RT-PCR.
Cette étude confirme l'impact massif du confinement sur la circulation du virus, avec un taux d'immunisation encore plus faible que celui estimé fin février dernier par cette même équipe. Cela renforce la conviction des chercheurs, selon laquelle des mesures pour limiter les risques de transmission vont rester d'actualité encore longtemps après la fin du confinement.
« Ce sont surtout les intervalles d'incertitude qui comptent, explique Simon Cauchemez. On était entre 3 et 10 %, on est aujourd'hui entre 3 et 7 %. Sur un plan purement épidémiologique cette variation ne change rien, on reste dans le même ordre de grandeur [...] On attend davantage de données sérologiques pour pouvoir mieux calibrer nos modèles et affiner nos évaluations. »