Un marché de niche est en train d'émerger au sein du rayon dermocosmétique. Longtemps constitué de soins hydratants issus des gammes vouées à traiter la sécheresse cutanée, il accueille depuis quelques années des produits spécifiques. Ces formules cosmétiques sont dédiées aux personnes en cours de traitement ou ayant subi un traitement anticancéreux qui fragilise considérablement la peau et les phanères : peau sensibilisée et desséchée, ongles abîmés, douloureux, cassants, démangeaisons et irritations liées à la perte des cheveux, mais pouvant toucher tout le corps, syndrome mains-pieds qui engendre dessèchement et sensibilité cutanés aux extrémités, muqueuse fragilisée, inconfortable…
« Jusqu'à récemment, il n'existait pas de gamme de soins élaborée en tenant compte des contraintes imposées par les traitements anticancéreux, indique Isabelle Guyomarch, fondatrice de la gamme Ozalys et du laboratoire éponyme. Une partie de l'offre dermocosmétique était détournée pour répondre aux besoins particuliers de cette clientèle. » Ces produits, qui appartiennent aux gammes historiques vendues en pharmacie, sont conçus pour prendre en charge les peaux très sèches, intolérantes, ou à tendance atopique. « Le positionnement d'Ozalys est différent, une marque 100 % française, de haute conception, dédiée aux personnes touchées par le cancer dont les besoins sont spécifiques : tout en conservant le plaisir d’utilisation et l’efficacité, notre charte de formulation assure le maximum de sécurité en excluant les ingrédients hormone like, photosensibilisants, mais aussi des ingrédients autorisés tels que l’aluminium ou la pierre d’alun ».
Répondre aux effets secondaires
Chacun des onze soins de la gamme intègre des actifs spécifiques comme le gingembre à l'effet antinauséeux qui entre dans la composition du dentifrice ou l'acide hyaluronique, cicatrisant naturel que l'on trouve dans la formule du bain de bouche. Neuf autres références partagées entre l'hygiène et le soin composent la gamme : crème de douche corps et cuir chevelu, crème nettoyante hygiène intime, crème déodorante, shampoing doux, viennent seconder le dentifrice et le bain de bouche en matière d'hygiène ; brume hydratante corps, lait doux cuir chevelu, crème hydratante mains, pieds et ongles, crème hydratante jour et nuit composent l'offre en soins hydratants. « Nous avons conçu nos produits de façon à ce qu'ils puissent répondre aux exigences des femmes atteintes de cancer du sein car cette pathologie réunit le plus large éventail de protocoles – chirurgie, chimiothérapie, hormonothérapie, radiothérapie, immunothérapie – et donne donc lieu aux effets secondaires cutanés les plus divers pendant et après la maladie », poursuit Isabelle Guyomarch. Lancée en 2017 et présente dans 34 pays, Ozalys se considère comme la première marque cosmétique mondiale dédiée aux femmes touchées par le cancer. « Nous avons été huit fois primés mais jamais dans la catégorie de la cosmétique dédiée au cancer qui n'existe pas ! », souligne, non sans humour, la fondatrice. La marque restera, pour l'instant, dans son marché de niche qui, dans le monde, intéresse potentiellement 18 millions de personnes diagnostiquées chaque année.
Une autre gamme dédiée aux besoins spécifiques des peaux fragilisées par les traitements contre le cancer a investi l'officine en 2017 en tant que première marque spécialisée du circuit. Elle est aujourd'hui présente dans 3 100 pharmacies en France et en Belgique. Développée par la société Même Cosmetics, elle est organisée par zone du corps et abrite une trentaine de références. Ici encore, des produits spécifiques, pensés pour les personnes sous traitement, ont été élaborés : une brume hydratante conçue pour apaiser et nourrir le cuir chevelu irrité pendant les périodes d'alopécie et de repousse, mais aussi des gants et chaussons de soin pour lutter contre le syndrome main/pied qui peut occasionner des douleurs très vives. « Ces derniers sont des cosmétotextiles renfermant un sérum hydratant pour créer un effet occlusif et hydrater en profondeur », explique Juliette Couturier, cofondatrice du Laboratoire Même. La ligne dédiée au soin des ongles amollis, striés, dédoublés, cassés, tient compte des intolérances potentielles en excluant les solvants chimiques du vernis, l'acétone du dissolvant, en enrichissant de silicium organique la solution fortifiante. Les formules consacrées au visage et au corps sont à l'avenant, sans tensio-actifs pour l'huile lavante, composées d'ingrédients d'origine naturelle pour les soins du visage qui abritent toute une offre en maquillage (BB crème, correcteur de teint, poudre bonne mine, pommade démaquillante). « Le maquillage est très demandé par les utilisatrices, précise Juliette Couturier, en insistant sur l'importance de la place accordée au plaisir dans la conception de ces cosmétiques. Ce qui n'empêche pas la caution scientifique dont bénéficie la marque 100 % made in France, grâce à l'étude clinique, réalisée avant son lancement, sur 70 femmes volontaires en cours de traitement. »
Les marques historiques engagées
Pour Eau Thermale Avène, les gestes autant que les soins permettent de mieux vivre les manifestations cutanées liées aux traitements. « L'hydratation de la peau n'est pas le seul réflexe à adopter, rappelle Joëlle Nonni, responsable des ateliers d'éducation à la santé pour Eau Thermale Avène. Il faut également la préserver de toutes les pratiques qui peuvent l'agresser, notamment au moment de la toilette. » La douche et le bain doivent s'effectuer à l'eau tiède, à l'aide d'une formule sans savon comme l'huile lavante relipidante Xeracalm AD. Le séchage de la peau se fera sans frotter mais en tamponnant à l'aide d'une serviette douce et la crème hydratante - baume Xeracalm AD, soins hydratants Tolérance Extrême - sera appliquée juste après le séchage, facilitant la pénétration dans l'épiderme. « Ces produits peuvent être utilisés sur le cuir chevelu asséché et qui démange. »
L'eau thermale présente également un intérêt non négligeable. Après une radiothérapie, la zone traitée peut être soulagée par l'application d'une compresse d'eau thermale suivie de la crème Cicalfate+ aux actifs antibactériens et cicatrisants. « La dermocosmétique s'avère très efficace pour limiter les effets secondaires des thérapies. » Dans l'ensemble des solutions proposées, le maquillage tient une grande place. Il permet de masquer les zones de cicatrisation, les éruptions acnéiformes qui peuvent apparaître au niveau du visage et du décolleté ou les rougeurs. « Il offre aussi la possibilité de redessiner les sourcils, ce qui est très important pour les femmes. » Stick, fonds de teint, crèmes de teint, pinceaux, tous correcteurs, sont disponibles dans la ligne de maquillage Couvrance, qui comprend aussi des poudres mosaïques, correcteurs de sourcils et baumes embellisseurs de lèvres. Pour retirer ces fards, le lait nettoyant Tolérance Extrême s'applique du bout des doigts avant d'être retiré à l'aide d'un mouchoir en papier, suivi d'une pulvérisation d'eau thermale. « Les femmes ne doivent pas utiliser de coton car les fibres peuvent irriter la peau », prévient Joëlle Nonni.
D'autres gammes formulées à base d'eau thermale comme Uriage (cérat relipidant anti-irritations Xémose, onguent fissures crevasses Bariéderm) ou La Roche Posay (Lipikar huile lavante et Lipikar Baume AP+) s'engagent aux côtés des personnes dont la peau est fragilisée par les traitements ou les maladies. C'est aussi le cas de Bioderma (Naos) qui présente le baume nourrissant apaisant Atoderm Xereane et le soin apaisant protecteur Cicabio Restor issus de la démarche Medi- Secure. Vouée à accompagner les patients touchés par des désordres cutanés liés au diabète, à la dialyse ou aux traitements anticancéreux, cette démarche se destine à développer d'autres produits dans le cadre d'un engagement à long terme. Sélection des ingrédients, tubes limitant les risques de contamination et validation des résultats par études cliniques caractérisent ces formules. « 100 % des patients sous chimiothérapie, 69 % des patients sous dialyse, 30 % des diabétiques présentent une sécheresse cutanée », rappelle la marque.