« Si on lâche une île comme Groix, c'est l'hospitalisation à tout va ! », alerte Frédéric Delange, pharmacien de l'île, et président de l'Association des professionnels de santé de l'île de Groix (ASPIG), dans le Morbihan. Ces professionnels ont vécu un été éprouvant : un afflux de touristes jamais vu, d'une part, une pénurie de médecins, d'autre part. « Nous avons même eu une semaine sans médecin de garde. »
« SOS, des médecins pour Groix », proclamait durant l'été un calicot face au débarcadère du bateau reliant l'île à Lorient. Le problème n'est pas nouveau, mais a connu une acuité nouvelle. Il y avait trois médecins sur l'île en 2019, pour une population officielle de 2 200 habitants, effective de 1 500 habitants en hiver, passant à plus de 6 000 de mars à octobre avec les résidents secondaires, peut-être plus de 10 000 personnes avec les touristes en juillet-août. Mais une population fragile : 30 % de plus de 60 ans, 18,5 % de plus de 75 ans. « Une consultation peut durer une demi-heure, trois quarts d'heure, présenter des problèmes complexes », assure Frédéric Delange.
La commune de Groix a été convaincue par le confrère et a construit une maison de santé, ouverte en mars 2020 (voir « Le Quotidien » du 3 février 2020), pour quinze professionnels, médecins, infirmières, kinés, dentiste, orthophoniste, pédicure, psychologue, fédérés autour d'un projet de santé, validé par l'ARS dès 2015. L'ASPIG, en accord avec elle, a négocié avec une structure de Lorient qui assurait la gestion des rendez-vous des médecins, les problèmes administratifs, etc. Un pool de cinq à six médecins sont venus régulièrement sur l'île pour consulter, mais ils ont arrêté en juin dernier. Ne restaient plus qu'un médecin installé depuis plusieurs années, et un autre, thésé en mai. Toutes deux sont devenues salariées de la structure lorientaise. Mais la plus ancienne, très fatiguée, a démissionné à l'issue de ses congés, en juin, l'autre, immédiatement surchargée, est partie fin août.
Dès mi-juillet, Frédéric Delange alertait l'ARS du besoin de cinq médecins pendant l'été. « Nous ne pouvions plus assurer les missions publiques, pas de vaccins, pas de tests, les urgences étaient à mal. » La structure lorientaise a été dépassée, n'assurant plus la coordination entre les médecins qui ne trouvaient pas la trousse d'urgence en arrivant à la maison de santé.
La pression montait en même temps sur l'île : un festival du film insulaire est organisé en août, comment l'accueillir sans test, idem pour les bars et restaurants ?
« Groix est une zone fragile, poursuit le confrère, la pratique insulaire n'est pas facile pour un jeune médecin, on y fait une médecine polyvalente, y compris des points de suture. Il faut conjuguer les plannings, les transports sanitaires, tout est problème. »
Frédéric Delange a prévu une réunion publique d'ici à la Toussaint pour trouver une solution avant la fin de l'année. « Les médecins partis étaient tellement engagés, ils se sont toujours arrangés pour répondre, salue-t-il, mais au prix de quels efforts ! » Les professionnels groisillons veulent redémarrer l'exercice coordonné qu'ils avaient commencé, autour de leur projet de santé, mais il leur faut trouver trois médecins titulaires.