L’engouement pour la pratique du tatouage ne se dément pas, rappelle le Dr Martine Bagot (dermatologue à l’hôpital Saint-Louis, Paris)… mais elle n’est pas toujours sans risque. « Les complications auxquelles exposent les tatouages sont très variables et peuvent survenir rapidement ou au contraire à plus long terme », poursuit le Dr Bagot. De fait, ces dernières réalisent une grande variété de tableaux anatomo-cliniques. Citons, par exemple, les réactions psoriasiformes, lichénoïdes, granulomateuses tuberculoïdes, sarcoïdosiques (une sarcoïdose représente d’ailleurs une contre-indication aux tatouages), fibrosantes, photo-allergiques (soleil et UV artificiels), pseudo-lymphomateuses et pseudo-carcinomateuses (mais il n’existe pas actuellement de preuves que les tatouages augmentent le risque de cancer, bien que la présence de certains composants dans des encres interroge à ce sujet).
« Un contrôle histologique de toute lésion d’apparence anormale est nécessaire en raison des multiples aspects que peuvent revêtir ces complications », souligne le Dr Bagot.
Des origines variées
Les réactions allergiques sont très fréquentes sur les zones tatouées et peuvent survenir des mois voire des années après le tatouage. Certaines encres (rouges, rose, violet) sont plus allergisantes que d’autres. Les réactions sont parfois déclenchées par une exposition solaire, voire par une exérèse laser (30 % des tatoués décident de se faire enlever leur tatouage). Il est difficile d’identifier l’allergène en cause, en raison à la fois d’une composition inconnue des encres et de l’apparition avec le temps de produits de dégradation également inconnus. À noter le point important de l’efficacité aléatoire des corticoïdes locaux, l’antigène responsable restant en place. Les problèmes toxicologiques peuvent être en relation avec de nombreux composants (colorants et conservateurs).
Les encres noires renferment des oxydes de fer et différentes molécules carbonées
C’est ainsi que les encres noires renferment des oxydes de fer et différentes molécules carbonées, les bleues des sels de cobalt, de chrome ou de cuivre, les vertes des sels de chrome, de cuivre et de cadmium et les rouges, du mercure, du cadmium et des oxydes de fer. Le risque carcinologique, aujourd’hui très imparfaitement évalué, est à mettre en relation avec la présence éventuelle de composants utilisés pour des usages industriels (laques de voiture par exemple), donc par définition non testés en injection intradermique, voire interdits pour l’usage cosmétique, d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (benzopyrène, notamment), de nouveaux colorants à concentration élevée (dioxyde de titane, baryum, aluminium…), d’amines aromatiques et de contaminants divers (antimoine, arsenic, cadmium, chrome, cobalt, nickel, manganèse, vanadium…). De plus, il a été montré que certains pigments organiques donnent naissance dans la peau à des nanoparticules qui vont se déposer localement ou migrer dans les ganglions du voisinage, sans oublier aussi les nanoparticules de nickel et de chrome issues des aiguilles de tatouage.
Un besoin d’études épidémiologiques
Une nouvelle réglementation européenne sur les produits chimiques a vu le jour (REACH) qui a interdit en 2022 près de 4 000 substances chimiques contenues dans des encres de tatouages… mais de nombreux tatoueurs se fournissent sur Internet auprès de pays étrangers (Chine…) non soumis à cette réglementation. Signalons enfin des études épidémiologiques en cours : une étude suédoise cas/contrôles évaluant la relation potentielle entre tatouages et lymphomes, mélanomes et carcinomes, ainsi que des études menées sous l’égide de l’IARC (International Agency Research on Cancer) grâce à des cohortes suivies en France et en Allemagne sur le risque de cancer associé aux tatouages.
D’après une communication des JPIP 2023