En ce début de mois de juin, les journées sont chaudes. Dans la pharmacie du Marché, la climatisation offre une température agréable, appréciée de l'équipe et des clients. Chacun à un comptoir, Julien et Marion discutent tout en préparant l'un une commande, l'autre une ordonnance. Rares, ces moments calmes sont l'occasion de créer ou renforcer la complicité entre collègues.
- Julien, comment ça se passe pour les formations ? On fait la demande à Karine ou J-C ? demande la nouvelle adjointe.
- Généralement, on fait le point une fois par an. Mais tu peux évidemment en discuter avec eux au cours de l’année si un thème t’intéresse plus particulièrement. Tu as une idée ?
- Non, pas précisément. Il faut que je regarde.
- En ce moment, celle qui est incontournable, c'est celle sur les entretiens d'accompagnement aux patients sous anticancéreux...
Marion semble troublée et change de sujet.
- Et concernant le pharmacien correspondant, ça se passe comment finalement ?
- C’est un peu flou. C’est autorisé, mais il n’y a pas de rémunération pour le moment, d’après ce que j’ai lu dans « le Quotidien ».
- Un patient m’a demandé hier s'il pouvait nous choisir comme pharmacien correspondant ; il en avait entendu parler à la télé.
- Quel progrès tout de même ! Maintenant, les journalistes s'intéressent à notre profession et son évolution, s'enthousiasme le jeune homme.
Après quelques secondes de silence, Julien poursuit :
- De toute façon, je ne peux pas être pharmacien correspondant puisque je quitte la pharmacie dans trois semaines.
- Ah oui, c’est chouette ce que tu vas faire. Karine m'a expliqué. Tu pars à la Réunion, c’est ça ?
- Oui, pharmacien coordonnateur. C’est un poste expérimental. J’espère que ce sera concluant…
- Et tu restes inscrit à l’Ordre ?
- Oui, mais je ne pourrai pas renouveler l'inscription. Il n’y a pas de section pour ces profils de pharmaciens, hors établissement de santé.
- En gros, si tu n’exerces pas en pharmacie, tu n’es plus pharmacien. C’est nul ce raisonnement. Il faudra bien que ça change. D'autant plus si on veut développer l'interprofessionnalité. Il faudra des pharmaciens dans les réseaux, dans les structures...
- Je suis tout à fait d’accord. Quand tu es formateur ou pharmacien à l’assurance-maladie, ou même pharmacien enseignant, tu engages ton diplôme. Il faudrait une section supplémentaire à l’Ordre pour tous ces exercices annexes de la pharmacie.
- Je crois que tu devrais t’engager ! sourit Marion.
- Oh, non. En tout cas, pas maintenant. Ma copine, Juliette, était élue en section D. Maintenant qu’elle est titulaire, elle ne peut pas poursuivre son mandat. Mais en quelques années, elle a découvert combien il est difficile de faire bouger les choses.
Un homme et une femme entrent dans la pharmacie, à quelques secondes d’intervalle.
Les deux adjoints les accueillent. L’homme se dirige vers Julien. Marion prend en charge la cliente.
- Qu’est-ce qu’il fait bon chez vous. Cette chaleur nous est tombée dessus si soudainement ! s'exclame la femme, en tendant son ordonnance à Marion.
- Oui, c'est vrai qu'il fait très chaud. Alors…, répond Marion en commençant à lire la prescription.
L'adjointe fronce les sourcils. Il s'agit d'une ordonnance de prégabaline, établie en avril pour un mois.
- J'ai appelé le médecin. Il m'a dit de poursuivre jusqu'à mon rendez-vous, début juillet, explique la patiente.
(À suivre...)