« Je ne peux pas renouveler cette ordonnance. Avec la nouvelle réglementation en plus… et puis, est-ce que la posologie est maintenue ? Il faut faire le point avec le médecin », pense Marion. La pharmacienne est tirée de ses pensées par Julien, qui s'approche d'elle :
- Marion, j'ai besoin de ton avis. J'ai une ordonnance de capécitabine ; elle vient de l'hôpital. Mais je n'ai aucune indication sur l'uracilémie. Il me semble que cette recherche doit être systématique ?
L'adjointe hésite, consulte le site de la HAS et approuve :
- Effectivement : le déficit en dihydropyrimidine déshydrogénase doit être recherché pour tous les médicaments de 5-FU. Alors oui, ce serait préférable de savoir si le test a été fait, à moins que ce soit un renouvellement de traitement.
- Justement non, c'est une initiation. Si j'appelle l'onco, je suis sûr de n'avoir personne à cette heure-là, réplique le jeune adjoint.
Marion sort son téléphone de sa poche :
- On va gagner du temps. Je vais te donner le numéro d'une consœur, de la pharmacie de l'hôpital. Tu notes, dit la pharmacienne en tournant vers lui son smartphone.
- Merci. C'est une amie ?
- Oh, c'est une longue histoire, répond Marion, évasive. Moi, il faut j'appelle ce chirurgien pour avoir une ordonnance de prégabaline en bonne et due forme
Montrant l'ordonnance à son collègue, elle ajoute :
- Comme tu vois, je ne peux pas renouveler.
Julien salue le patient, qu'il connaît pour l'avoir servi à plusieurs reprises.
- Bonjour Monsieur. Le médecin teste la prégabaline finalement… et comment vous sentez-vous ?
- J'ai un peu moins mal mais les douleurs sont toujours présentes. Le médecin m'a dit de poursuivre jusqu'à mon rendez-vous. Mais je comprends tout à fait que cela pose problème, puisque je n'ai plus d'ordonnance valable, répond l'homme, très aimable et compréhensif.
- Ne vous en faites pas Monsieur. Nous ne vous laisserons pas sans traitement. Je vais demander une nouvelle ordonnance. Je vous laisse patienter ? Je vais les appeler, réplique Marion d'un ton rassurant.
Chacun au bout du fil, Julien et Marion cherchent à avoir les réponses dont ils ont besoin pour sécuriser la délivrance des médicaments. Après cinq minutes de communication, ils se croisent à nouveau.
- Merci, elle est super sympa la pharmacienne de l'hôpital à qui tu m'as adressée. Effectivement, l'uracilémie a bien été réalisée. Les pharmaciens vont refaire passer le message aux oncologues, pour qu'ils indiquent cette information sur l'ordonnance lors d'initiation de traitement de capécitabine. Et toi ?
- Moi ? En deux minutes de conversation, mes convictions sur l'exercice coordonné se sont écroulées ! La théorie c'est beau, mais l'interpro en pratique... on en est encore loin.
- Vas-y, raconte.
- C'est simple : la secrétaire a fait barrage. Elle m'a même dit qu'elle n'allait pas déranger le médecin pour si peu ! Tu te rends compte ? Bref. J'ai quand même insisté pour recevoir une ordonnance conforme. Elle me l'adresse par fax.
- Il va falloir du temps, et on risque d'essuyer d'autres déceptions. Quant aux secrétaires médicales, c'est un vrai roman ! Il faut voir les bons côtés : grâce à ton tuyau, je n'hésiterai plus à appeler nos homologues hospitaliers. Merci beaucoup.
(À suivre…)