En France, la Haute Autorité de santé (HAS) préconise depuis fin janvier un élargissement à 6 semaines du délai entre les deux doses de vaccin à ARN messager. Récemment, l'Académie de médecine proposait de retarder de 6 mois la seconde injection chez les personnes immunocompétentes âgées de moins de 55 ans.
Afin d'éclairer le débat, une modélisation, publiée dans « PLOS Biology », s’est penchée sur le scénario d’un report de la deuxième dose des vaccins de Pfizer-BioNTech et de Moderna, au-delà des 3 et 4 semaines respectivement, recommandées dans les essais cliniques. Les résultats suggèrent qu’un report de la 2e dose permettrait d’améliorer l'efficacité des programmes de vaccination dans la réduction des infections, des hospitalisations et des décès.
Dans le cas d’une première dose dont l’efficacité ne diminuerait pas dans le temps, la stratégie de report de la seconde dose serait ainsi plus efficace, apportant un bénéfice maximal avec un délai de 12 à 15 semaines. « À 20 % d'immunité préexistante, par exemple, une stratégie de report de la seconde dose de 12 semaines avec une efficacité moyenne du vaccin Moderna permettrait d'éviter 0,85 hospitalisation pour 10 000 personnes et 0,41 décès pour 10 000 personnes, par rapport au calendrier de vaccination recommandé », relèvent les auteurs, soulignant des résultats similaires avec le vaccin Pfizer-BioNTech, qui permettrait d’éviter 0,74 hospitalisation et 0,41 décès pour 10 000 habitants avec un scénario de report de 12 semaines.
En cas d’une efficacité décroissante de la première dose, le report de la seconde dose du vaccin Moderna conserverait une efficacité accrue par rapport au schéma recommandé, avec un bénéfice maximal pour les deuxièmes injections dans un intervalle de 9 à 15 semaines. Ce n’est pas le cas avec le vaccin Pfizer-BioNTech, qui « peut entraîner un nombre plus élevé d'infections par rapport au calendrier recommandé, si l'efficacité de la première dose diminue avec le temps », soulignent les auteurs.
Des incertitudes sur la durabilité de la protection avec un calendrier modifié
« Dans notre course contre une épidémie en plein essor, nos résultats montrent qu'il serait essentiel de donner la priorité à la couverture vaccinale avec une distribution rapide de la première dose pour atténuer les effets indésirables et permettre au système de santé de répondre également aux besoins médicaux non liés au Covid-19 », estiment les auteurs, rappelant que, dans leur analyse, ils ont supposé que le niveau de protection après avoir retardé les secondes doses était identique à la protection globale après deux doses administrées selon les calendriers des essais.
Selon eux, deux paramètres sont à prendre en compte dans l'évaluation des programmes de vaccination avec des reports de doses : la durabilité de l'efficacité du vaccin, « qui nécessite des études cliniques et épidémiologiques surveillant les individus vaccinés pendant plusieurs semaines après l'inoculation de la première dose », et la capacité des vaccins à bloquer la transmission.