Que faut-il faire pour les enseignants, les lycéens et collégiens, les propriétaires de bars, restaurants, bistrots, libraires, fleuristes et de tant d'autres commerces ? Seulement des mesures de soutien financier où, de toute évidence, ces sinistrés du virus ne trouvent pas leur compte, sinon ils ne clameraient pas haut et fort leur détresse. Mais la France n'est pas la seule à affronter le rebond de la pandémie. Il s'agit d'un problème planétaire auquel nous avons réagi aussi bien et aussi mal que la plupart des pays comparables au nôtre. Il est certes facile de couvrir le pouvoir de quolibets et de sarcasmes. De passer au peigne fin ses erreurs tactiques. De commenter les discours tonitruants à l'Assemblée, les couacs répétitifs qui semblent porter atteinte à l'autorité du Premier ministre, le malaise de la population face aux atermoiements d'un gouvernement qui, parfois, a donné le sentiment qu'il ne savait pas très bien où il allait.
Cependant, il me semble évident que l'on n'abandonne pas le champ de bataille au moment où l'on commence à bénéficier des premiers résultats de l'offensive. Jean Castex a maintenu les mesures quinze jours de plus et peut-être au-delà. Quoi ? Il n'y aura pas de Noël ? clame le peuple avec tous les accents possibles du désespoir. Quoi, pas de jouets, pas de cadeaux, pas de fêtes ? Ce serait effectivement très regrettable.
Mais ce le serait davantage si nos hôpitaux étaient saturés et s'il fallait abandonner un jour des malades à la mort. Le paradoxe est immense : le seul moyen existant à l'heure actuelle pour empêcher le virus de contaminer plus de gens, c'est le confinement, le geste-barrière, le masque, l'isolement. Il n'existe encore ni vaccin ni traitement, sauf celui qui a été administré à Donald Trump, mauvais président mais bon malade qui aurait guéri en deux jours. Donc, cette fois, nos dirigeants entendent priver le virus de ce dont il se nourrit : les gens qui vaquent à leurs affaires et s'entassent dans les transports ou dans les lieux de loisirs. Comment peut-on leur reprocher de vouloir, « quoi qu'il en coûte », prendre le contrôle de la pandémie pour rendre, le plus tôt possible, les Français à leur mode de vie ?
La preuve par l'absurde
Au jeu de « tout ça, c'est la faute de Macron », nous ne ferons que contribuer à l'ajournement du retour à la vie normale. C'est toujours la faute des responsables. Mais peut-on suggérer que le premier déconfinement a été accueilli comme une libération, que les Français, en début de vacances, ont cru que le virus avait disparu et se sont comportés comme si les risques n'existaient plus ? Que le chagrin et le deuil qui accompagnent cette période sinistre méritent une minute de gravité plutôt que l'indifférence à l'égard de ceux qui ont été saisis par les tentacules du poulpe ? Que les torts, dans ce genre d'affaires, sont toujours partagés et que, puisqu'ils le sont, il vaudrait mieux que nous nous consacrions tous, collectivement, à la disparition du virus ?
Comme en mathématiques, il est rare de faire la preuve par l'absurde. Macron devrait louer son bureau à l'Élysée à un chef de l'opposition, par exemple Mme Le Pen, la laisser faire, et être rapidement engloutie par la pandémie. Il administrerait ainsi la preuve que la tâche est ardue et que les conseillers ne sont pas les payeurs, pas plus que les censeurs ne sont les meilleurs gérants d'une crise qui finit par submerger à peu près tout le monde.