Selon cette analyse baptisée « Mycovid » et publiée le 26 novembre dans « The Lancet Respiratory Medicine », 22,4 % des patients hospitalisés en USI ont connu un épisode d’infection fongique invasive prouvée ou probable (IFI pr ou pb), un nombre « étonnamment élevé », souligne un communiqué. L'aspergillose pulmonaire invasive prouvée ou probable et la candidémie étaient les plus fréquentes avec, respectivement, une prévalence globale de 14,9 %, et de 6,2 %. Par ailleurs, 6 patients (1 %) avaient une mucormycose invasive, et un (<1%) avait une fusariose invasive.
L’étude a porté sur les données de 509 patients adultes (âge moyen 59,4 ans, 79 % d’hommes), inclus entre le 29 février et le 9 juillet 2020, avec une infection par le Sars-CoV-2 confirmée par RT-PCR, nécessitant une ventilation mécanique et avec au moins trois échantillons de dépistage. La définition de l’aspergillose associée au Covid (CAPA) retenue est celle proposée par la Confédération européenne de mycologie médicale (ECMM) et la Société internationale de mycologie humaine et animale (ISHAM), détaillée dans « The Lancet Infectious Diseases », en décembre 2020.
Parmi ces patients, 114 (22 %) épisodes d'IFI pr/pb ont été enregistrés (76 CAPA pr/pb et 38 autres IFI). En incluant les patients avec un contexte clinique compatible avec une aspergillose, des résultats positifs au lavage bronchoscopique ou à une aspiration bronchique ou trachéale, mais ne répondant pas aux critères ECMM/ISHAM, ce sont 138 épisodes qui ont été recensés. Plusieurs facteurs étaient indépendamment associés à une aspergillose : un âge supérieur à 62 ans (OR à 2,34), une longue durée (>14 jours) de ventilation mécanique (OR à 2,16), mais aussi un traitement combinant dexaméthasone et anti-IL-6 (OR à 2,71).
Risque élevé de décès
« Nous montrons, pour la première fois, que la combinaison de deux immunomodulateurs (dexaméthasone et anti-IL-6) est associée à une CAPA pr/pb, alors que l'utilisation de l'un ou l'autre - la dexaméthasone ou l'anti-IL-6 seuls - n'était pas associée à une CAPA pr/pb », relèvent les auteurs, soulignant le faible nombre de patients concernés dans l’étude (29) et le besoin d’autres investigations pour confirmer ces résultats.
Ils précisent néanmoins que ces patients étaient « significativement plus jeunes » que les patients non traités par cette combinaison et présentaient une gravité similaire à l'admission, avec une durée similaire de ventilation mécanique avant la survenue de la CAPA. Les aspergilloses chez ces patients hospitalisés étaient par ailleurs associées à un risque élevé de décès, avec une mortalité globale de 61,8 % contre 32,1 % dans les cas graves sans surinfection fongique.
Ces résultats invitent à « avertir les cliniciens » des risques associés à cette thérapie combinée et à l’immunosuppression qu'elle entraîne. Aussi, « la prévalence et la mortalité élevées des aspergilloses invasives et des candidémies révélées par l’étude Mycovid soulignent l’urgente nécessité d'établir un indice de suspicion et de mettre en œuvre une surveillance active des IFI chez les patients atteints d’une forme sévère de la Covid-19 en réanimation », insiste la Dr Marie-Elisabeth Bougnoux (hôpital Necker-Enfants malades AP-HP), une des auteurs de l’étude.